Le paysage du mécénat musical s’est longtemps dessiné autour de trois acteurs majeurs : les grands donateurs individuels, mélomanes ayant une habitude du geste philanthropique ; les grandes fondations historiques, qu’elles soient familiales (Fondation Bettencourt Schueller pour le chant choral) ou d’entreprise (Mécénat Musical Société Générale) reconnues dans le secteur pour leur expertise et les porteurs de projets musicaux (opéras, orchestres, ensembles de musique baroque, quatuors…). Aujourd’hui, les choses évoluent rapidement et les rôles d’ordinaire très définis entre fundraisers et grantmakers s’hybrident. L’un des phénomènes les plus marquants est la création de fondations sous égide, directement rattachées à un porteur de projet :
- La Fondation du Concert d’Astrée sous l’égide de la Fondation de France (Emmanuelle Haïm)
- La très récente Fondation Renaud Capuçon, également sous l’égide de la Fondation de France
- La Fondation Insula Orchestra sous l’égide de l’Institut de France (Laurence Equilbey)
- La Fondation des Amis de L'Opéra Royal créée grâce à l’ADOR et son association avec l’Académie des Beaux-arts.
Rares, en effet, sont les artistes aujourd’hui capables de créer des fondations indépendantes, hormis William Christie et sa fondation Les Arts Florissants.
Ces nouvelles fondations de flux servent techniquement de bras armé philanthropique à des associations plus anciennes, porteuses d’un projet artistique clairement identifié et bénéficiant d’une grande renommée. Cohabitent avec ces entités de plus petits acteurs distributeurs, mais non moins précieux, comme certains fonds de dotation (le Chœur à l’ouvrage par exemple). Cela contribue à enrichir le panorama mais aussi à le complexifier, d’où la nécessité de former, conseiller, sensibiliser et accompagner les artistes eux-mêmes, aujourd’hui parfois tout à la fois fundraisers et mécènes.
Le mécénat musical innove, invente, construit des modèles permettant de palier la baisse des subventions publiques et surtout d’éviter les problèmes de fléchage conduisant à de véritables impasses : sur-financement des actions de médiation, de sensibilisation et des projets à visée éducative et sociale, mais besoin criant de fonds pour :
- l’artistique pur
- les enregistrements
- la création de programmes
- la consolidation des structures (frais de fonctionnements).
C’est dans le cadre de la rédaction du livre blanc intitulé Mécéner la musique en France aujourd’hui, l’action des fondations, de l’arbre au rhizome, pendant le confinement, que ma consœur Sophie Lanoote et moi avons recueillis des témoignages précieux, terreau de cette publication.
En tant que consultante, je suis aux premières loges pour constater quasiment quotidiennement les besoins financiers mais aussi stratégiques de ces porteurs de projets qui doivent concevoir un modèle économique sain et pérenne dans le contexte actuel particulièrement mouvant. Les liens avec les mécènes ont eu tendance à se renforcer pendant la pandémie - ce qui est en soi une bonne chose-, mais le nombre de musiciens ayant besoin de mettre un premier pas dans le mécénat est de plus en plus important. Les partenariats entre organismes publics et entités privées, la logique de l’ancrage territorial et la professionnalisation du secteur apparaissent, à ce jour, comme les principales pistes à explorer.
Camille Prost, Fondatrice de Calamus Conseil