Anne Monier, chercheuse à la Chaire Philanthropie de l’Essec.
Vous travaillez actuellement à un projet de recherche sur la philanthropie environnementale et climatique. De quoi s’agit-il exactement ?
C’est une question complexe. L’un des enjeux autour de la philanthropie environnementale et climatique relève d’un problème de définition, et de délimitation du scope de cette philanthropie. Il faut dépasser la vision réductrice de ces enjeux pour penser la transition de manière systémique. En outre, beaucoup de gens ont tendance à réduire cette philanthropie à de simples questions de financement de projets mais ce sujet est bien plus vaste. S’engager pour le climat ne se limite pas à financer des programmes sur ces questions. C’est la totalité du travail d’une fondation qui doit être prise en compte, ce qui constitue un changement de perspective majeur. Il est nécessaire d’adopter une vision holistique au sein même des fondations. L’organisme forme-t-il ses salariés aux enjeux climatiques ? A-t-il cessé d’investir son capital dans les énergies fossiles ? Finance-t-il des projets au croisement de sa mission (santé, éducation etc.) et du climat ? Étant donné l’urgence et l’importance de cette crise climatique, il semble crucial que toutes les fondations, quelles que soient les causes qu’elles défendent, s’emparent de ces sujets car la transition sera sociale ET environnementale ou ne sera pas.
Une certaine prise de conscience commence-t-elle à apparaître en France et dans le reste du monde ?
Un nouveau mouvement a commencé à émerger dans le secteur philanthropique en France, en Europe et dans le monde. En novembre 2019, un groupe de fondations du Royaume-Uni a créé une coalition de fondations pour le climat (Funders Commitment on Climate Change), repris par l'Association of Charitable Foundations (ACF). Un an plus tard sous l’impulsion de la Fondation Daniel et Nina Carasso, les associations nationales française (CFF – Centre français des Fonds et Fondations) et espagnole (AEF - Asociación Española de Fundaciones) ont fondé leur propre mouvement – Coalition française des fondations pour le climat en France, Fundaciones por el clima en Espagne. Au printemps 2021, c’est le réseau européen de donateurs (Dafne – Donors and Foundations Network in Europe - aujourd’hui Philea) qui a décidé de mettre en place une coalition européenne pour coordonner ces coalitions, puis Wings a repris le mouvement au niveau international. Deux autres coalitions nationales ont depuis vu le jour en Italie et au Canada. Mais le secteur en est encore au début de sa transition.
Que faudrait-il faire pour accélérer ce mouvement ?
Il est difficile d’évoquer tous les éléments, mais il faudrait notamment investir plus de temps, de personnel et d’argent autour de ces enjeux, développer la recherche sur ces questions (nous ne sommes que quelques-uns en Europe). Une meilleure coordination de l’action des fondations serait aussi nécessaire car chacun travaille de son côté sur des sujets semblables. Enfin, il est important de resituer le rôle du secteur philanthropique dans le débat climatique global.