Abdelaali El Badaoui, président-fondateur de Banlieues Santé et grand témoin de la plénière d’ouverture du 23ème Séminaire francophone de la collecte de fonds de l’AFF, répond à 3 questions:
1. Pourquoi avez-vous choisi de vous lancer dans la vie associative ?
Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours voulu me sentir utile à la société. Avant de devenir infirmier, j’ai enchaîné tous les petits boulots possibles à l’hôpital. Après avoir faire des ménages dès l’âge de 16 ans, j’ai travaillé de 1999 à 2007 notamment à la morgue, au pôle stérilisation et comme auxiliaire de vie. Mon père était atteint de silocose comme beaucoup de travailleurs émigrés et j’allais avec lui voir les médecins pour traduire ce qu’ils lui disaient. Enfant, j’ai été brulé à 70% à la suite d’un accident. Au fil des années, j’ai été confronté aux inégalités sociales. Aujourd’hui encore, l’espérance de vie d’un ouvrier est dix ans inférieure à celle d’un cadre supérieur. J’ai alors eu l’idée de fonder en 2006 ma propre structure. Banlieues Santé est une association d’hyper-proximité. Nous cartographions les besoins des habitants, les réponses existantes sur le terrain et ce qu’il manque en nous appuyant sur les associations présentes et bien installées qui ont acquis la confiance des résidents. Nous essayons ensuite de connecter les besoins en santé et en éducation. Avant la pandémie, nous avons fondé Banlieues School qui travaille sur tous les sujets liés à l’éducation concernant les 15-22 ans habitant dans les quartiers populaires et les zones rurales.
Aujourd’hui, nous employons une quarantaine de collaborateurs et comptons 1200 bénévoles actifs. Depuis notre création, nous avons accompagné plus de 2 millions de patients. Nous sommes présents en France, en Belgique, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Afrique.
2. La précarité médicale et scolaire dans les quartiers populaires a-t-elle tendance à se développer ?
Hélas oui. Je constate sur le terrain que la précarité se développe. On trouve de plus en plus de gens fragiles qui ne se rendent plus chez les spécialistes pour se soigner. Beaucoup d’associations manquent de moyens pour lancer des actions d’hyper proximité et elles connaissent des problèmes croissants pour répondre à des besoins qui ne cessent de se développer. Cette tendance s’est encore accentuée depuis l’arrivée de la pandémie et elle ne risque pas de s’inverser de sitôt.
3. Vous serez le grand témoin de la plénière d’ouverture du prochain Séminaire de la collecte de fonds de l’AFF. Quels messages souhaitez-vous faire passer à cette occasion ?
Il est important que les politiques publiques ne considèrent plus la santé comme une source de dépenses mais comme un accélérateur de notre économie. La question de la prévention est encore trop ignorée en France. Les pouvoirs publics doivent comprendre que les associations et les grands donateurs sont des leviers de la politique sociale. L’Etat, l’administration fiscale et le secteur associatif doivent davantage collaborer. L’administration est une très grande institution qui a besoin de temps pour se mettre en action. Les associations peuvent être des accélérateurs des politiques publiques car elles sont présentes sur le terrain et les habitants leur font confiance. Ces structures doivent être considérées comme des prescripteurs et non pas comme des consommateurs. Ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui.
La 23ème édition du Séminaire francophone de la collecte de fonds de l'AFF se tiendra du 25 au 27 juin 2024 et se focalisera sur un enjeu clé : (Se) donner les moyens d'agir !
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