Jonathan Hude-Dufossé, Président de l’AFF répond à 3 questions :
Séisme au Maroc, appels à l’aide lancés par les Restos du coeur, la Croix-Rouge et les banques alimentaires, inflation… Cette rentrée s’inscrit dans un contexte d’urgence sociale inédit. Quelles peuvent être les conséquences de ces événements sur la générosité en France ?
Lors de l’ouverture du dernier séminaire de l’AFF, nous avons évoqué les bouleversements récents de la société et son entrée dans un état de crise permanent. Cette rentrée nous donne tristement raison et nous alerte à plus d'un titre.
D'abord pour celles et ceux de nos contemporains, précaires et vulnérables, de naissance ou de crise, qui subissent en première ligne la conjoncture actuelle : inflation, précarité sociale et étudiante, crise géopolitique, séisme, dérèglement climatique... Ensuite, pour la générosité de toutes celles et ceux qui y contribuent et y participent. Le dernier baromètre de France Générosités (mai 2023 sur l'année 2022) s'en inquiétait : quasi-stagnation des dons (+1%), perte de 6,9% des dons inférieurs à 150 euros annuels, difficulté à recruter de nouveaux donateurs (-11.2% de nouveaux donateurs)...
On l'a vu ces dernières années, en cas de crises, les Français se mobilisent et consacrent la générosité comme réflexe citoyen spontané. Mais la répétition de ces crises, leur inscription dans le temps et la précarisation de la société - et ce faisant, des donateurs - laissent entrevoir une fin d'année pleine de défis et d'incertitudes pour les organisations et les fundraisers - dans une période pourtant cruciale pour la collecte.
Comment nos structures peuvent-elles s’adapter pour répondre aux demandes croissantes des personnes dans le besoin ?
Le tissu associatif français, dense, a démontré sa résilience, son agilité et son adaptabilité ces dernières années. Les bénévoles et les salariés de nos organisations s'engagent et se donnent au quotidien en faisant la démonstration d'une créativité et d'une endurance impressionnantes.
Nous savons qu'au-delà du risque financier présent pour nombre d'entre elles et de l'accroissement de soutien dont elles ont besoin, elles possèdent les ressources organisationnelles et humaines pour identifier et mettre en place l'ingénierie nécessaire afin de traverser les mois d'hiver qui arrivent. A travers l'innovation, les alliances et, espérons-le, un sursaut de mobilisation de toutes les parties prenantes de la société et en particulier de celles et ceux dont les ressources financières, par leur volume, sont largement partageables et redistribuables. Dans une époque où la philanthropie peut susciter la méfiance et la générosité jeter l'opprobre sur son auteur, ces élans de générosité que l'on voit éclore, qu’ils soient sincères ou opportunistes, nous rassurent et nous rappellent que si donner fait du bien et que, plus encore, donner est utile, donner devient désormais une responsabilité pour celles et ceux qui le peuvent.
Ce changement de paradigme sera intéressant à interroger dans les années à venir pour que les organisations adaptent leur collecte, leur relations aux grands donateurs, qu'ils soient personnes morales ou physiques, et plus globalement, leur stratégie de développement des ressources. Car à ce stade, les réflexes d'urgence ne pourront néanmoins pas et ne devront pas se pérenniser et s'inscrire dans le temps comme principe d'action. Les acteurs de la générosité, publics et privés, devront convoquer les moyens nécessaires pour garantir aux organisations d'intérêt général une amélioration pérenne des conditions de réalisation de leur mission sociale.
Quel est le rôle des fundraisers dans le climat actuel ?
Le fundraiser est un maillon essentiel de la chaîne de solidarité et la période que nous traversons nous rappelle le caractère nécessaire de notre profession : clef de voûte de l'édifice associatif et passeur de générosité, le fundraiser donne les moyens aux utopies de devenir réalité, aux urgences d'être traitées et aux crises d'être résolues.
Nous sommes des créateurs de possibles, infatigables optimistes mettant notre énergie, nos idées et notre expertise au service des communs tout en ayant conscience que nous ne sommes pas la solution mais l'un de ses nombreux artisans en interdépendance.
S'inventer, se réinventer, essayer, innover, tester, améliorer et recommencer sans s'essouffler... jusqu'à la prochaine crise !