Jean Stellittano, Secrétaire national du Secours Populaire français
La guerre en Ukraine et l’afflux de réfugiés en France représentent un énorme challenge pour les structures d’intérêt général qui doivent trouver en urgence des bénévoles et des financements supplémentaires pour répondre aux besoins des victimes de ce conflit. Le secrétaire national du Secours populaire français, Jean Stellittano, nous raconte comment son association parvient à gérer cette catastrophe que personne n’avait prévue.
Comment une association peut gérer une catastrophe totalement imprévue ?
Nous commençons hélas à nous habituer à ce type d’événements. En plus de mes responsabilités nationales auprès du Secours Populaire, j’occupe également le poste de secrétaire général pour le département des Alpes-Maritimes et en moins de deux ans, nous avons été frappés par la tempête Alex, le Covid et la guerre en Ukraine. 45% du flux migratoire en France des personnes qui cherchent à fuir ce conflit passe par les Alpes-Maritimes. Certains sont en transit vers l’Espagne ou le Portugal où réside une forte communauté ukrainienne mais beaucoup cherchent à rester dans notre pays. Pour absorber ces arrivées, nous devons donc trouver des bénévoles et des financements supplémentaires.
Comment faites-vous ?
L’anticipation est la clé. Dès le lundi qui a suivi la déclaration de guerre de la Russie, nous avons vu les premières voitures remplies de réfugiés arriver dans la région. Des Ukrainiens étaient déjà venus après l’invasion de la Crimée et du Donbass mais nous savions que ce nouveau conflit allait provoquer un afflux de demandeurs d’asile qui irait crescendo au fil du temps et la réalité prouve hélas que nous avions raison. Nous voyons aujourd’hui arriver des autocars presque tous les jours. Dès le premier jour du conflit, nous avons activé notre réseau de partenaires et nous avons lancé sur les réseaux sociaux et dans la presse régionale un appel pour trouver des moyens humains et financiers supplémentaires. Nous voulions aussi canaliser les dons matériels en publiant une liste très détaillée de produits qui correspondaient réellement aux besoins. Très vite, nous avons également montré les actions que nous menions sur le terrain comme les distributions de repas dans les files d’attentes à la préfecture ou les dons de carte SIM et de produits de première nécessité aux nouveaux arrivants. Nous avons été parmi les premiers à communiquer dans les médias et cette stratégie a attiré mécaniquement à nous les bénévoles car ce sont durant les premiers jours qui suivent une catastrophe que le plus de gens cherchent à apporter leur aide.
Quels types de bénévoles recherchiez-vous ?
Nous avions besoin de russophones qui parlent français et de personnes qui acceptent de donner gratuitement des cours de français. Nous avons fait des appels dans ce sens dans les médias et nous avons vu plus de 150 bénévoles nous rejoindre en une semaine alors que nous avons l’habitude d’en accueillir en temps normal une trentaine par… mois. Il est important de faire les choses très rapidement, de communiquer sur toutes les actions concrètes que l’on mène et d’être très accueillant. Lorsqu’un bénévole se présente, nous lui faisons remplir une petite fiche et nous l’envoyons directement sur le terrain. On ne le harcèle pas de questions et on ne lui demande pas des papiers. On l’accueille chaleureusement.
Trouver des fonds n’est pas plus compliqué ?
Pour l’Ukraine, nous recevons beaucoup d’argent car les actions que nous menons sont très visibles sur le terrain mais certains problèmes pourraient apparaître si la guerre durait longtemps. Concernant les bénévoles, je ne me fais pas trop de soucis car ce sont surtout des femmes et des retraités qui se sentent très concernés par cette cause et qui vont développer au fil du temps des amitiés avec les réfugiés. Concernant les dons financiers, l’exercice sera plus difficile car une actualité chasse souvent la précédente. Les donateurs sont sans cesse sollicités et ils doivent faire des choix. La situation que nous vivons actuellement est totalement inédite. Il faut remonter peut-être à l’afflux d’émigrants espagnols qui fuyaient le régime franquiste pour trouver un phénomène comparable à celui que nous vivons aujourd’hui. La crise du Kosovo était moins importante car ce pays est beaucoup plus petit.