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#Innovation : Good Running ? La philanthropie du fitness : événements sportifs de levée de fonds [Fundraizine n°73]

Communication .

Publié le 24 juillet 2024

© WAVEBREAKMEDIA

 

Good Running (1) ? La philanthropie du fitness : événements sportifs de levée de fonds

 
Si l’organisation d’événements philanthropiques est une pratique ancienne, on assiste de plus en plus à la tenue de courses à pied (running) pour lever des fonds pour des maladies chroniques ou des courses à vélo pour faire parler de problèmes sociaux, par exemple. Les événements sportifs sont devenus des opportunités de collecter des fonds pour les causes qui nous tiennent à coeur. C’est ce que Catherine Palmer et Zack Dwyer, les auteurs de l’étude Good Running? The Rise of Fitness Philanthropy and Sports-Based Charity Events (2), appellent la fitness philanthropy (philanthropie du fitness).

PAR ANNE MONIER

 

Si les événements sont rarement étudiés d’un point de vue sociologique – les motivations des participants étant surtout analysées d’un point de vue individuel plutôt que social ou culturel –, ils demeurent de véritables baromètres pour comprendre les valeurs, idéologies ou représentations qu’ils sous-tendent.

 

La montée en puissance des événements sportifs

On constate, ces dernières années, une montée en puissance des événements sportifs, et en particulier des courses à pied (running) partout dans le monde. Cette tendance a évolué en deux vagues : une première à la fin du xixe siècle, qui s’amplifie ensuite dans la seconde moitié du xxe siècle. La deuxième vague, plus récente, a fait du running un phénomène mondial. Ces rencontres sont motivées par différents éléments : la santé, le plaisir d’être ensemble, le dépassement de soi, voire le tourisme. Parmi les sports, la course à pied s’est imposée comme le plus accessible à pratiquer. Cette tendance s’inscrit dans le contexte de l’essor de l’idéologie néolibérale, qui encourage l’individu à prendre en main sa propre santé et son bien-être, alors que l’État-providence se retire progressivement de fonds certains secteurs, dont la santé. Les auteurs montrent ainsi le lien qui existe entre la montée en puissance de ces événements, l’idéologie néolibérale et ce qu’ils appellent le « santé-isme » (healthism), idée selon laquelle l’individu est seul responsable de sa santé, illustrant ainsi un glissement de responsabilité des États vers les individus.

 

Les événements sportifs de levée de fonds : une dimension morale ?

L’essor des événements sportifs avec une dimension de levée de fonds est remarquable, ces événements ayant acquis une popularité significative, comme les fameuses courses contre le cancer du sein aux États-Unis ou la Bloody Long Walk en Australie pour les maladies mitochondriales.
L’élément de levée de fonds ajoute une dimension morale à l’événement : il s’agit non plus simplement d’une course, mais d’une course « bonne », c’est-à-dire pour une bonne cause. Il s’agit de philanthropie incarnée (embodied philanthropy), ou plus précisément d’une philanthropie qui vise à l’usage de ses ressources physiques pour faire le bien. Il n’est plus suffisant de courir un marathon, il faut aussi collecter des fonds : la dimension morale devient essentielle. Cela développe le sentiment d’être une « bonne » personne, responsable et généreuse.

 

Les événements sportifs de levée de fonds : de l’individu au citoyen ?

L’événement sportif n’est alors plus seulement individuel, mais aussi collectif, en faisant participer l’individu au bien de la communauté, en ne prenant pas seulement soin de sa propre santé, mais de celle de tous. La dimension collective est centrale.
Ce qui est intéressant, c’est que si les événements sportifs sont généralement le fait de personnes très entraînées, passionnées par le sport et qui cherchent avant tout à « se dépasser » et à atteindre des performances lors de ces événements sportifs, il y a également des personnes qui ne courent pas habituellement et qui sont souvent les vraies stars de ces événements – c’est le cas, par exemple, des survivants de cancers.
La dimension émotionnelle est aussi très forte, car la majorité des participants à ces événements ont une connexion directe avec quelqu’un qui a survécu, souffert ou qui est décédé de la maladie concernée. Lever des fonds dans ce contexte ajoute une dimension à la fois morale et émotionnelle à l’événement sportif.

 

La tentation du pink-washing

La fitness philanthropy est une approche novatrice de la philanthropie utilisant le sport comme moyen de démontrer son engagement citoyen et sa bonté. Ayant émergé dans un contexte spécifique – celui de l’essor du néolibéralisme, du santé-isme et d’un certain retrait de l’État-providence –, cette forme de philanthropie va plus loin : l’individu n’est plus simplement responsable de sa santé, mais aussi de la santé du collectif en tant que citoyen.
Si ces événements créent un impact fort autour de certaines causes et leur donnent de la visibilité, tout en créant un sentiment collectif et du lien social, ils sont aussi parfois vus par les entreprises comme des moyens de faire du pink-washing, c’est-à-dire de se présenter comme de « bonnes » entreprises à peu de frais, se montrant éthiques pour donner une bonne image.
À l’heure où les levées de fonds deviennent un marqueur de plus en plus fort des événements sportifs en France, en particulier à l’approche des Jeux olympiques de Paris en 2024, il est essentiel de poursuivre les recherches sur ces enjeux.

(1) Expression en anglais qui a un double sens : « une bonne course à pied » ou « une course à pied pour la bonne cause ».
(2) Catherine Palmer et Zack Dwyer Good Running? The Rise of Fitness Philanthropy and Sports-Based Charity Events, 2020, Leisure Sciences, https://doi.org/10.1080/01490400.2019.1656122

 

 

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