Laurence Lepetit, Déléguée générale de France Générosités répond à 3 questions :
L’AFF vient de publier une étude prospective intitulée « Avenir du fundraising et des fundraisers à l’horizon 2033 ». Quelle est, selon vous, l’importance d’un tel document ?
Cette démarche prospective permet de déceler les tendances fortes et faibles qui touchent aujourd’hui le fundraising et impacteront son futur. Elle permet également de nous interroger sur les modèles économiques des organisations, sur l’évolution de la collecte et sur les changements sociétaux qui vont avoir un impact sur notre secteur. Cette approche à 360 degrés, qui a mobilisé l’ensemble de la profession, est hyper intéressante car elle nous offre un panorama complet de tous les spectres de nos métiers. Je n’avais, par ailleurs, jamais fait ce travail sous cette forme qui élabore des scénarios prospectifs avec des probabilités d’occurrence. Cette étude nous permet également de nous interroger afin de mieux répondre aux besoins de nos membres face aux évolutions de la collecte en France. Si l’AFF va s’intéresser plus particulièrement aux métiers du fundraising, nous allons chercher, de notre côté, des solutions pour accompagner politiquement et représenter au mieux les acteurs de notre secteur dans ce monde en tension.
Quels principaux points ont retenu votre attention durant la lecture de cette étude ?
J’ai été extrêmement intéressée par les questions liées aux comportements consommateur-donateur-citoyen. L’acte de don aujourd’hui s’inscrit dans un comportement plus large qui comprend aussi bien les dons financiers que ceux en temps ou en nature ainsi que les actes de consommateur-citoyen. Cela crée un continuum auquel les organisations doivent s’adapter. L’identité de l’engagement dans la société est un thème très important. Une étude récente de l’INJEP sur les Français dans la vie associative montre que 66% des Français participent à la vie associative mais à peine 19% estiment être engagés. Le secteur de la générosité doit agir sur ce levier afin de transformer ces personnes engagées en donateurs. Nous allons devoir beaucoup travailler sur ce thème lors des prochaines années.
L’étude montre aussi très bien le phénomène d’hyperconcentration des donateurs. 1% des donateurs représentent aujourd’hui 22% de la collecte totale en France, selon le Baromètres de la générosité-vision donateur publié l’an dernier par France générosités. L’âge médian des personnes qui soutiennent les associations et les fondations est de 62 ans. Il atteint même 75 ans pour les multi-donateurs. La plupart de ces philanthropes habitent dans des grandes villes et/ou en région parisienne. Cette concentration économique et géographique peut interpeller et alimenter certains débats sociétaux qui peuvent diviser. Il est en conséquence très important de diversifier les profils des donateurs et d’élargir sa base de soutien en allant chercher des communautés affinitaires (Voir Etude, les systèmes de valeurs de donateurs, Destin Commun pour France générosités, 2022). Il faut ramener au don une part plus importante de la population française comme c’était le cas dans le passé. Par les actions qu’elle finance, la générosité contribue de fait au lien social mais au-delà des actions financées, la générosité a un véritable rôle à jouer dans la préservation de la cohésion au sein de nos sociétés.
D’autres thèmes vous ont-ils intéressée ?
Les questions liées à l’évolution des politiques publiques et de nos modèles économiques sont aussi très importantes. Nous sommes actuellement dans une phase de bureaucratie croissante. La lutte contre le terrorisme et la volonté d’encourager la transparence financière ont provoqué un plus grand encadrement de la générosité et les organisations doivent s’adapter à ce phénomène.
L’hyperspécialisation des profils et des métiers est un autre sujet crucial pour notre secteur. Les besoins de recrutement, dans les secteurs notariaux et digitaux notamment, sont énormes mais les viviers de compétences sont pauvres. Les organisations et les structures comme l’AFF et France générosités doivent être proactives dans ce domaine en allant, par exemple, expliquer aux étudiants des écoles les spécificités de nos métiers.