4,3 milliards d’altruistes… et nous
Bonne nouvelle, d’après l’index mondial des dons 2024 de la Charities Aid Fondation (CAF), la générosité mondiale augmente malgré les crises, avec 4,3 milliards de donateurs et de bénévoles en 2024. Sur le podium, l’Indonésie est le pays le plus altruiste pour la 7e année consécutive, avec près de 90 % des habitants faisant des dons et 65 % de bénévoles. En deuxième et troisième positions, on applaudit le Kenya et Singapour, dont l’indice est passé de 49% à 61% en un an. Globalement, 75 pays ont amélioré leur score cette année, la Grèce étant celui qui a le plus progressé (+15 points), notamment grâce à l’aide apportée aux étrangers et au soutien reçu suite aux nombreux incendies qui ont détruit des milliers d’hectares de forêt. On note également l’augmentation spectaculaire des dons au Maroc avec une hausse de 800%, en réponse aux tremblements de terre dévastateurs de septembre 2023. En revanche, la France n’a pas de quoi se vanter avec sa 100ème place au classement, et 12 points de moins qu’en 2023. En effet, 41 % des Français donnent de l’argent, mais seuls 38 % aident des étrangers et 30 % sont volontaires. L’Angleterre, quant à elle, enregistre son niveau de dons le plus bas cette année.
ZEvent 2024 : à vos marques, prêts, streamez !
Après deux ans d’absence, ZEvent, fait son come-back du 6 au 8 septembre à Montpellier et en direct sur Twitch. En 2022, ce marathon caritatif exceptionnel avait permis de mobiliser 500 000 spectateurs et de collecter 10 millions d’euros en trois jours, au profit d’associations écologistes. Cette année, une centaine de streamers et une trentaine de d’influenceurs diffuseront des contenus et relèveront de nouveaux défis en live pour mobiliser les internautes au profit de cinq associations qui luttent contre la précarité : Secours populaire, Cop 1 Solidarités étudiantes, Chapitre 2, Bureaux du cœur et Solidarité paysans. Avec l’avènement des plateformes digitales, les levées de fonds évènementielles prennent une toute autre dimension, et les associations se tournent de plus en plus vers la collecte en ligne. Ce succès grandissant a cependant un revers de médaille. Déjà controversé en 2022, ZEvent suscite aujourd’hui de nouvelles polémiques, visant certains participants aux comportements répréhensibles et contraires aux valeurs éthiques et inclusives du fundraising. Face à l’emballement des réseaux sociaux, les organisateurs ont tenté de justifier leurs choix, mais cela ne répond pas encore aux attentes des associations, qui réclament un véritable engagement pour instaurer des règles strictes et respectueuses des causes soutenues.
Alerte climat : le fundraising innove
Cette année encore, la planète a subi des records de températures inquiétants. Les organisations philanthropiques redoublent d’efforts pour répondre à l’urgence climatique et proposer des solutions innovantes, influençant les politiques climatiques, telles que la loi américaine sur la réduction de l'inflation ou le programme européen Fit for 55. Cet article du CEP (Center for Effective Philanthropy) revient sur les dernières initiatives philanthropiques en faveur du climat, telles que l'Adaptation and Resilience Funder Collaborative, qui rassemble plusieurs fondations pour soutenir les communautés vulnérables, avec un engagement de 50 millions de dollars pour l'adaptation climatique.
Le rapport du Center for Effective Philanthropy révélait en 2022 un écart entre les préoccupations et les actions concrètes dans le domaine philanthropique. Si les progrès sont notables, notamment dans les énergies renouvelables et les transports propres, ils restent insuffisants face aux objectifs de l’Accord de Paris.
L'année 2024 est une année électorale record avec 4,2 milliards de personnes appelées aux urnes. Elle est donc décisive pour orienter les actions futures. La philanthropie y tient un rôle majeur, en soutenant l'adaptation, la résilience et une transition énergétique inclusive, notamment à travers des initiatives comme celle de la Fondation IKEA, qui « place les voix des communautés au cœur de la transition énergétique des pays du Sud ».
Philanthropie française : l’exception culturelle
Si l’homme le plus riche du monde est français (Bernard Arnault), les cinquante plus gros donateurs mondiaux sont américains, comme le rappelle cet article du magazine Challenge. En France, la philanthropie est moins développée, en partie à cause d'une forte tradition d'intervention étatique, mais surtout en raison de différences culturelles. Outre-Atlantique, le secteur associatif représente ainsi près de 9 % du PIB, contre 3,5 % en France. Au-delà de la culture du « Give back », les grands donateurs américains utilisent également la philanthropie pour asseoir leur statut social et bénéficier d'avantages fiscaux considérables. Par ailleurs, les mécènes y voient un instrument puissant pour peser sur les choix collectifs en façonnant l’université, la recherche, la culture. Au contraire, en France la philanthropie préfère rester très discrète, à l’image d’Aline Foriel d’Estezet, dont Challenge fait le portrait : grande mécène mélomane, venue au secours d’une cinquantaine d’institutions culturelles et d’événements de musique classique en mal de subventions publiques. Cependant, tout le monde n’ignore pas ce soft power en France, comme Pierre-Edouard Stérin qui a bien compris que la philanthropie pouvait être un outil au service de sa vision sociétale : Proche du RN, conservateur… Pierre-Edouard Stérin, bienfaiteur pratiquant et controversé - Challenges
Ces enjeux de développement de la philanthropie seront l’objet de la prochaine conférence de l’AFF.
Mécénat culturel, un tableau contrasté en période de crise
Depuis 2005, les dons en faveur de la culture ont chuté, passant de 52 % à 37 % en 2021. D’après cet article du Monde, cette tendance est aggravée par l’incertitude politique, l'inflation et le fléchage des budgets des entreprises vers les causes d’urgence. Quant à la loi Aillagon, elle n’est pas à l’abri d’une révision à la faveur des tendances politiques majoritaires à l’Assemblée Générale.
Malgré un contexte défavorable, les différents secteurs du champs culturels font évoluer leurs stratégies de fundraising pour contrer ces tendances avec des résultats contrastés qu’il s’agisse de patrimoine, de musée, de spectacle vivant ou de festival.
Les établissements culturels peuvent tirer parti de leurs espaces entre privatisation et contreparties. Ainsi, l’Opéra de Paris a collecté 23 millions d’euros de mécénat en 2023, (5 millions de plus qu’en 2022) en s’appuyant notamment sur son fastueux dîner de gala dans le grand foyer. Cependant, il faut rester vigilant quant aux exigences des donateurs qui grandissent et peuvent susciter critiques et risques d’ingérence.
Répondre aux attentes RSO des mécènes ou élargir la base des donateurs sont désormais les enjeux premiers des fundraisers du secteur culturel. Les structures misent ainsi sur les entreprises de taille plus modestes et l’ancrage territorial, comme le festival des Eurockéennes de Belfort ou le Musée d’Orsay dont le cercle d’entreprises (créé en 2023) a apporté 500 000 euros en 2024, les financements internationaux ou encore les souscriptions publiques, comme celles du Louvre et de la BNF (513 000 euros en 2023, soit 300 % de plus par rapport à 2022).