Hasard de l'actualité, nos articles de la semaine ont pris une jolie teinte philanthropique, avec en tête ce chiffre colossal : plus de 20 milliards de dollars de mécénat recensés sur la planète (et surtout aux USA, voir notre article) pour la lutte contre la pandémie de Covid et ses effets sociaux, donnés par des entreprises, des particuliers, des donateurs. Avec plusieurs contributions dépassant le milliard de dollars. Un rôle majeur de la giga-philanthropie qui ne cesse de croître et appelle autant de stratégies adaptées... à chacun son niveau (à écouter, la quasi masterclass sur le sujet de Laurent Mellier, Directeur du Développement de l'Institut Imagine). Un rôle majeur qui ne va pas sans créer de l'inconfort et des interrogations, comme le soulève à son tour cette quinzaine le podcast économique de RFI qui s'attarde sur "les philanthropes modernes" (à écouter ici, avec en complément de l'émission, quelques reportages internationaux méritant le détour).
Et si les débats se concentrent le plus souvent sur les philanthropes, leur pouvoir (réel ou supposé) et leurs motivations, la question peut aussi se déporter sur les organisations collectrices. Car au regard des montants, tout "plantage" avec un grand donateur peut avoir un retentissement titanesque. Le Canada en sait quelque chose, avec l'affaire qui occupe sa sphère médiatico-politico-philanthropique actuellement. Le dossier : celui de Reed Cowan, journaliste américain de télévision, a participé à collecter des millions de dollars canadiens pour WE Charity afin de soutenir la construction d'une école au Kenya en mémoire de son fils de 4 ans, décédé dans un accident en 2006. Mais gros couac quand l'ambassadeur surmotivé découvre sur Internet des images de l'inauguration du bâtiment de deux semaines antérieures et strictement identiques à la cérémonie qu'il a vécue... à la différence près que la plaque sur le bâtiment ne porte pas le nom de son fils mais celui d'un autre donateur. Une tromperie sur les plaques dit-il qui l'amène à saisir la gendarmerie et les services fiscaux canadiens, et à exiger le remboursement des milliers de plaques (ou briques, ça revient au même !) qu'il a apportés au projet...
Certes, ici, l'organisation à la base très médiatique, soutenue par Oprah Winfrey ou Richard Branson, semble rassembler toutes les dérives du "charity business" (elle était déjà sous le coup d'un scandale politique dans le cadre d'un soutien public pour le développement d'un programme fédéral de bénévolat étudiant) mais la question pour tous ceux qui en appellent à la philanthropie est celle des dommages collatéraux sur les élans philanthropes en général. Comment créer un lien de confiance et rassurer... quand on est pas fautif, quand on n'est pas responsable des entailles faites à la confiance en général ? Cette question doit, comme tant d'autres se poser très en amont et très sérieusement. Parce qu'ici non plus, une jolie plaque ne suffit pas...