A travers la création de structures économiques à vocation sociale et solidaire, l’agrément ESUS pourrait-il devenir un outil, pour les associations, de diversification des sources de financement de leurs projets ?
Ce mois-ci, Yes a décidé de se pencher sur la création de structures à vocation économique par des associations et les modalités de les financer.
L’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS) est introduit en 2014 par la loi Hamon et est inscrit au Code du Travail à l’article L3332-17-1. L’objectif poursuivit par ce dispositif est de créer un écosystème favorable au développement des entreprises solidaires, notamment en renforçant et en diversifiant leurs sources de financement.
Outre une meilleure visibilité et reconnaissance, l’agrément ESUS devient pour les associations un levier de financement avantageux.
Maître Alissa Pelatan, associée-fondatrice du cabinet AMP AVOCAT, spécialisée dans le droit de l’Economie Sociale et Solidaire, revient sur les spécificités de cet agrément, les conditions d’accès et les opportunités de financement que le dispositif peut offrir.
Conditions et démarche pour obtenir l’agrément ESUS
En introduction, Mme Pelatan rappelle les conditions sine qua non à remplir pour obtenir l’agrément ESUS. Un processus qui s’apparente à une « fusée à deux étages » qui se construit à la fois sur la nature de l’activité de l’entreprise et sa politique de rémunération.
La société commerciale, issue de la sphère de l’ESS, doit intégrer, dans ses activités et sa gouvernance, un objectif principal d’utilité sociale. Il peut s’agir d’une activité favorisant l’inclusion des populations vulnérables ou visant à récréer du lien social par exemple. Il est impératif que cet objectif soit revendiqué dans les statuts mêmes de l’entreprise. En outre l’entreprise doit prouver que cette activité d’utilité sociale a un impact sur sa rentabilité ou ses comptes de résultats (représentant au moins 66 % de l'ensemble des charges d'exploitation au cours des 3 derniers exercices clos).
L’entreprise doit également mettre en place une politique de rémunération respectant deux conditions : la rémunération du dirigeant ou des salariés les mieux payés ne doit pas excéder un montant annuel supérieur ou égal à 10 fois le SMIC, et le salaire des 5 dirigeants ou salariés les mieux payés ne peut non plus excéder 7 fois le SMIC.
Quel est le processus à suivre pour demander l’agrément ESUS ? L’entreprise, qui doit exercer son activité depuis au moins un an, doit en faire la demande auprès de la Direccte (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence de la Consommation, du Travail et de l’Emploi). L’absence de réponse vaut acceptation à compter de 2 mois après dépôt du dossier. Enfin, l’agrément est valable pour une durée de 5 ans (2 pour les entreprises de moins de 3 ans lors de leur demande).
Un gage de fiabilité ouvrant l’accès à des sources de financement diversifiées
Pour Maître Pelatan, l’agrément ESUS est surtout un outil innovant pour accéder à des sources nouvelles de financement, en offrant dans un premier temps une visibilité plus forte aux entreprises agréées, et dans un second temps en leur permettant d’accéder à certains avantages d’épargne solidaire.
En effet, pour Mme Pelatan, l’agrément ESUS peut être un fort marqueur de différenciation, mais également une condition nécessaire pour devenir éligible aux financements de certains fonds. Ainsi, de nombreuses structures dédiées à l’ESS (France Active, le Fond NovESS) vont exiger l’agrément à des entreprises souhaitant répondre à des appels à projet ou obtenir des financements. L’agrément peut également apparaître comme un gage de qualité et de confiance et devient ainsi peu à peu un critère décisif dans la décision d’investissement de Business Angels, de certains clubs d’investisseurs (comme les CIGALES) ou pour des structures d’impact investing. En effet, l’agrément est perçu comme une preuve de sérieux et de légitimité propre à rassurer les investisseurs.
De plus, l’agrément ESUS constitue un accès au financement à partir de plusieurs dispositifs de collecte d’épargne solidaire, dont certains ont connu récemment une forte croissance, comme l’épargne salariale solidaire. En effet, toutes les entreprises ont l’obligation de proposer à leurs salariés la possibilité de souscrire à un fonds d’épargne salariale solidaire, dit fonds « 90-10 », investissant à hauteur d’au moins 5 % de leur portefeuille, et jusqu’à 10 %, dans des entreprises bénéficiant de l’agrément ESUS. Alissa Pelatan note également la possibilité pour les entreprises ESUS de recourir aux services civiques (avantageux fiscalement pour les entreprises).
Enfin, Mme Pelatan rappelle que la récente loi PACTE apporte quelques modifications à l’agrément ESUS (à l’article 20 et 21 de la version adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale). La loi PACTE ouvre ainsi plus de possibilités d’investir dans les ESUS via les plans d’épargne retraite et contrats d’assurance vie.
En conclusion, si Mme Pelatan admet l’existence de certaines contraintes administratives, notamment l’obligation de reporting annuel, ou un possible effet de découragement dans le plafonnement des salaires, elle encourage vivement les associations ou les entrepreneurs de l’ESS à considérer ce statut pour leur structure. Il représente un gage de crédibilité mais surtout, il permet, dans un environnement associatif devenu très concurrentiel, de mieux flécher certains investissements vers les associations. Enfin, Maître Pelatan reconnait la nécessité de clarifier la doctrine sur l’interprétation de la notion d’utilité sociale et surtout d’apporter un cadre juridique européen aux entreprises de l’ESS pour favoriser leur reconnaissance et par conséquent leur croissance.