La Veille de l’AFF du 02 février 2023
2 février 2023
Si le percepteur le dit… Entre 2010 et 2021, le montant des dons déclarés aux services fiscaux français par les particuliers a été multiplié par deux et celui des entreprises par 2,3. Les sommes collectées par les structures d’intérêt général en France, qui ont atteint 9 milliards d’euros en 2021, sont désormais plus élevées que le budget du ministère de la justice (8,2 Mds€) et plus de deux fois supérieures à celles allouées à la culture. Ces chiffres ne doivent pas nous faire hurler de joie pour autant car même s’ils offrent aux plus privilégiés l’un des cadres fiscaux parmi les plus favorables au monde, notre pays est plutôt à la traîne dans le monde. En 2019, le cumul des dons défiscalisés des ménages et des entreprises représentait en effet à peine 0,31% du produit intérieur brut (PIB) français, contre 0,8% au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Allemagne et 2,2% aux Etats-Unis. Les cinq organismes qui ont le plus collecté en 2021 sont les Restos du Cœur, l’Association française contre les myopathies, le Secours Catholique, la Croix-Rouge française et Médecins sans frontières. Les associations et les fondations perçoivent 64% des dons, loin devant les structures liées au culte (21%) et les institutions publiques (7%). Si nos compatriotes sont réticents à mettre la main à la poche, beaucoup acceptent, par contre, de faire du bénévolat ou du mécénat de compétences. Du temps plutôt que de l’argent, nos choix sont clairs.
… et que les sociologues le confirment. Dans un entretien accordé au Monde que vous pouvez lire sur ce lien, le professeur de sociologie à la Sorbonne, Philippe Steiner, le dit clairement : « Les dons organisationnels, c’est-à-dire (ceux) qui passent par une ou plusieurs organisations, deviennent de plus en plus prégnants » dans nos sociétés. Anonyme par nature, le don organisationnel nous aiderait à prendre conscience de notre humanité commune, souligne cet expert. Selon lui, « il n’existe pas de société sans don, et le don permet de faire société ». Un beau sujet de philo au bac. Vous avez trois heures. A vos stylos…
Etudiants : 1 – Grand capital : 0. Après Total Énergies il y a un an, c’est au tour de LVMH d’annoncer sa décision de ne pas installer son futur centre de recherche sur le campus de Polytechnique sur le plateau de Saclay dans l’Essonne. Ce projet avait soulevé un vent de colère parmi les élèves et les alumni qui accusaient leur école de céder aux sirènes des intérêts privés. Deux recours juridiques avaient même été déposés par le collectif « Polytechnique n’est pas à vendre ». Annoncé en juillet, le projet de LVMH, baptisé LVMH Gaia, visait à regrouper 300 chercheurs spécialisés dans le luxe durable et le digital. Ce centre de R&D verra bien le jour mais en dehors du plateau de Saclay. Le modèle anglo-saxon, où les liens entre les établissements supérieurs et les entreprises sont si forts, a décidément bien du mal à s’exporter en France.
Vous cherchez un boulot à impact ? Le cabinet de recrutement Birdeo vient de publier son Top 5 des métiers à impact qui vont recruter le plus cette année. Si vous êtes diplômé d’une école d’ingénieur avec une spécialisation dans l’analyse du cycle de vie et que vous maitrisez l’écodesign ou l’écoconception, vous devrez facilement trouver un poste de responsable économie circulaire. Un master en droit avec une spécialité en environnement pourrait vous faire décrocher un job de juriste RSE avec un salaire annuel compris entre 60.000 et 75.000 euros. Un bac +5 en école de commerce avec une spécialisation en finance ou en analyse de données vous aiderait à devenir responsable mesure d’impact et data esg. Un ingénieur a des chances, quant à lui, d’être nommé manager en adaptation au changement climatique et de toucher entre 70.000 et 90.000 euros par an. Pour dépasser les 100.000 euros annuels tout en ayant un impact, tentez d’être nommé chief value officer. Un bac +5 en contrôle de gestion, en comptabilité ou bien en science du développement durable vous sera toutefois nécessaire. A vos CVs…
Donner sur Amazon, c’est fini… Le géant du commerce en ligne va fermer le 20 février son programme de dons caritatifs « Smile ». Dans un communiqué publié le 18 janvier, le groupe a expliqué que son initiative n’avait « pas assez pris d’ampleur pour créer l’impact initialement espéré ». Au total, 500 millions de dollars ont été récoltés depuis son lancement en 2013, avec un don moyen de moins de 230 dollars par organisme de bienfaisance. Plus d’un million de structures dans le monde étaient éligibles pour profiter de ce programme. Pour mieux faire passer cette amère pilule, Amazon s’est engagé à verser aux organismes un don équivalent à trois mois de ce qu’ils ont gagné en 2022. L’e-commerçant, qui vient d’annoncer le licenciement d’environ 18.000 employés, a promis de poursuivre ses initiatives caritatives en investissant dans des domaines où il pense pouvoir « apporter des changements significatifs ». Les mal-logés et les victimes de catastrophe naturelle pourraient ainsi recevoir des aides significatives de la plateforme. A suivre…
La « crise » n’empêche pas la générosité. Les 25 plus grands donateurs des Etats-Unis ont fait don de 196 milliards de dollars au cours de leur vie jusqu’à la fin de 2022. Ce chiffre estimé par Forbes a bondi de 27 milliards de dollars en un an. Cette hausse est encore plus spectaculaire quand on sait que la fortune cumulée de ces philanthropes a dégringolé de 164 milliards de dollars en douze mois pour atteindre « tout juste » 936 milliards de dollars. Dix-sept d’entre eux ont déjà signé le Giving Pledge dans lequel ils s’engagent à donner au moins la moitié de leurs avoirs de leur vivant ou après leur décès. Seulement trois d’entre eux ont toutefois déjà atteint cet objectif : le co-fondateur de la chaîne de duty-free DFS Chuck Feeney, le fondateur de la First Premier Bank T. Denny Sanford et le financier George Soros. Le mécène le plus généreux reste Warren Buffet qui a donné 51,5 milliards de dollars depuis sa naissance en 1930. Qui dit mieux ?
Et si les mécènes n’étaient que des pollueurs-payeurs comme les autres ? C’est ce titre plutôt cash que les professeures spécialisées en économie Françoise Benhamou et Nathalie Moureau ont choisi pour résumer leur pensée détaillée dans un excellent article publié dans The Conversation. Selon le principe de pollueur-payeur lancé par Cécil Pigou dans les années 20, une société ou un citoyen doit supporter les coûts d’un préjudice qu’il a causé lorsque le marché ne résout pas cette question naturellement. La taxe sur l’essence qui compense les coûts induits en pollution que fait supporter l’automobiliste qui utilise ces carburants suit cette logique. Dans le cas de la philanthropie, l’entreprise donatrice chercherait, d’après les deux enseignantes, à corriger le préjudice qu’elle a possiblement contribué à occasionner – directement ou indirectement. Ses méfaits entraîneraient ainsi un don qui autoriserait d’une certaine manière la poursuite d’une activité éventuellement dommageable, et provoqueraient par la suite une nouvelle action de « générosité ». Cette « mise en abyme du don », selon les auteures, n’est jamais condamnée par les « receveurs qui ferment les yeux » dans ce « jeu de dupes où l’on se prend les pieds dans le tapis en voulant y cacher la poussière ». « Les questions d’éthique doivent revenir au centre, conclut ce texte, et la course à l’argent privé devrait s’accompagner d’une certaine retenue ». A méditer.
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