Stratégie. « Être une cause en 2020 »
4 septembre 2020
Alors que les restaurateurs ou les DJ se sont mis à collecter, que la solidarité familiale – encouragée par de nouvelles mesures d’exonérations fiscales – va certainement être très sollicitée, Antoine Vaccaro, président de Force For Good et du CerPhi, évoquait dans le dernier numéro de Fundraizine, paru fin juin, la nécessaire réinvention des causes, entre chacun pour soi et fraternité, entre réassurance et modernité, pour recréer la révélation et la rencontre avec les donateurs.
« Derrière chaque urgence, il y a des bénéficiaires et des donateurs pour les aider. La particularité de la crise que nous traversons est que ces deux populations se sont rejointes. Une convergence inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. Alors que les crises humanitaires créent traditionnellement des bulles de générosité dont bénéficient toutes les causes, la question qu’à ouverte la situation que nous venons de vivre était de savoir si l’élan « tous solidaires » et généreux qui s’est déclenché face à la sidération de la mi-mars allait créer une telle bulle.
Je pensais que oui… Après l’annonce du confinement, trois cercles de générosité, trois cercles de causes, se sont activés. D’abord ceux directement concernés. Ceux en « première ligne », soignants et chercheurs. Avec des structures du système sanitaire, la veille encore, très timorées face au fundraising, qui sont soudain devenues le cœur de la « cause » et des attentions de tous. Le second cercle est celui des causes soutenant les publics fragiles et vulnérables, avec pour emblème la première collecte d’Emmaüs. Elles ont bénéficié d’un double moteur inédit. Alors que le don est le plus souvent soit fusionnel (« je suis pris affectivement par le sort de la victime »), soit sacrificiel (« je veux éviter que cela ne me touche et éloigner la peur »), ces causes ont généré, souvent, un sentiment conjoint : je suis solidaire et dans le même temps, j’ai peur. Le troisième cercle est composé de causes plus éloignées, pénalisées par le confinement – secteur de la culture en tête, associations de recherche hors-Covid, associations de solidarité internationale –, qui ont subi un certain délaissement.
Une générosité « faussement » désintermédiée
Et puis, dans cette déglingue générale faite à la fois de chacun pour soi et de grande fraternité, il y a eu tous les autres, appelant à une sorte de solidarité de territoire, géographique ou de centres d’intérêt. Typiquement, les cafetiers et restaurateurs qui sollicitent un coup de main de leurs habitués, de leurs réseaux. Notre agence a d’ailleurs travaillé sur une page de dons pour ces cafetiers. Ce quatrième cercle, qui concerne un peu tous les laissés-pour-compte, est le royaume des cagnottes. Un peu étrange, quand on vient de la culture humanitaire, de se retrouver, avec empathie, à organiser la page de collecte de restaurateurs dans la précarité. Avec des interrogations sur l’objet social, sur ce qu’une telle initiative dit de l’intérêt général. Mais ici s’incarne peut-être la plus grande transformation de l’idée de cause de ces vingt dernières années. Avant, pour obtenir ce statut et collecter, il fallait montrer patte blanche pour accéder à de larges audiences via les médias traditionnels.
Être une cause, en 2020, c’est révéler une injustice, relayer une indignation, pour déclencher éventuellement un soutien. Cela n’a pas changé. C’est sur ce modèle que fonctionnent les urgentistes. C’est Kouchner et MSF. Coluche et les Restos du Cœur. Bernard Barateau et le Téléthon. Ce qui change, aujourd’hui, c’est que l’accès aux audiences est désormais surréactif et « faussement » désintermédié, spontanéiste et se répétant à l’infini. Avec des contributions peut-être plus modestes qu’avant, mais plus nombreuses et de plus en plus indifférentes au reçu fiscal.
Alors qu’avec le déconfinement, l’élan s’est un peu tari, que l’ombre de la crise économique et d’une éventuelle « seconde vague » épidémique plane, même si j’y crois encore, je ne suis plus aussi certain de l’éclosion d’une énorme « bulle de générosité » ; nos causes traditionnelles vont devoir plus que jamais réaffirmer leur indispensable rôle, revisiter les enjeux de leur engagement. Elles vont devoir décliner ces enjeux avec des outils et des modes d’intermédiation nouveaux. C’est la révélation qui crée l’engagement en faveur d’une cause. Alors, il leur faudra certainement faire exploser les verticalités, une certaine lourdeur parfois, pour se révéler à nouveau, recréer un momentum faisant le délicat alliage de la réassurance et de la modernité.
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