Pour le CHU de Bordeaux, la crise du Covid-19 a signé des premiers pas dans la collecte… directement à pas de géant. Retour sur son baptême du feu avec Frédérique Albertoni, Directrice du Mécénat.

 

Quelle expérience de collecte avait le CHU avant la crise ?

Mon poste a été créé en octobre 2018. Cela faisait donc un an et demi que j’avais commencé à mettre en place différents outils, et surtout mené un travail important en interne pour créer une culture du don. Mais nous n’étions pas encore vraiment lancés ! Nous n’avions pas de page de don, j’étais sur le point de lancer l’appel d’offres à ce sujet. Moi-même je suis fundraiser depuis très peu de temps puisque j’ai été auparavant Directrice de la communication du CHU pendant 17 ans. Même si j’avais déjà mené à ce titre des opérations de mécénat, que j’avais suivi quelques formations à l’AFF en prenant ce nouveau poste, je me considère comme une novice sur la collecte.

 

Cela a donc été une formation accélérée ?

Nous avons en effet bénéficié d’une visibilité et d’un élan sans commune mesure. Tous les soirs je me disais : là on doit avoir épuisé l’inventivité et les formes de dons possibles… et puis non, chaque nouveau matin amenait un autre don inattendu. L’élan a été collectif, avec une solidarité territoriale très forte. Très vite, le CHU a par exemple décidé de passer commande de 70 respirateurs qu’il fallait donc contribuer à financer. Le dimanche soir, j’ai écrit un mail d’urgence à mes quelques ambassadeurs. Dès le lendemain, l’un d’entre eux avait fait passer mon message à tout le monde du vin dont le retour a été aussi immédiat qu’extraordinaire. La fête annuelle du vin de Bordeaux qui se tient en juin, se fera d’ailleurs cette année de manière virtuelle avec une vente aux enchères au profit du CHU. De la même manière, alors que je pensais être « à côté », n’ayant pas de formulaire de dons, c’est par réseau que s’est montée notre page de collecte sur Leetchi qui a permis de rassembler près de 200.000 euros. Aujourd’hui, c’est l’artiste bordelais Joffo qui a déployé une toile de 380m2 sur l’hôtel de ville et vend des petits formats de l’œuvre au bénéfice du CHU. En tout, nous avons déjà collecté plus de 1 million d’euros. Mais au-delà des montants collectés, je crois que cette crise a replacé le CHU au cœur du territoire. La décision d’accueillir des patients venus d’Ile de France et du Grand-Est par exemple, a renforcé la fierté d’appartenance des bordelais.

 

Comment faire durer l’élan ?

C’est une de mes grandes préoccupations. De fundraiser, et de citoyenne aussi. Répondre favorablement et dignement à l’élan, mais surtout le faire perdurer. Pour capitaliser sur l’énergie et ne pas décevoir tous ceux qui nous ont soutenu, d’un don de 4€ (peut-être le plus touchant) à un grand mécène en passant par ce pizzaiolo qui a réalisé seul 200 pizzas par jour pour les soignants. Je voudrais programmer des actions symboliques jusqu’à la fin de l’année. Pour qu’on se souvienne des héros, du personnel soignant mais aussi de tous ces gens qui ont été solidaires. C’est d’autant plus un défi que nous ne savons pas quand nous pourrons réunir physiquement les gens. En d’autres temps, j’aurais par exemple déjà rassemblé les grands donateurs. Là, il va falloir réinventer comment les réunir autrement. J’essaie donc de commencer à construire des projets qui impliqueront tous ceux qui se sont mobilisés, au-delà du « merci ». D’autant plus que justement, l’une des particularités de cette crise est d’avoir un peu inversé le sens du « merci » si cher aux fundraisers…

A voir aussi, le « merci » du personnel des services des urgences du Groupement Hospitalier Pellegrin à Bordeaux.