Le 29 janvier, six grandes associations humanitaires lançaient l’initiative Alliance Urgence, collectif de collecte dédié aux urgences.  Pour son premier appel – et roder la machine sans attendre une catastrophe naturelle – Alliance Urgences a choisi de venir en aide aux réfugiés Rohingyas. Décryptage des dessous de l’initiative.

C’est un peu une arlésienne de l’humanitaire français. L’idée d’un collectif collecteur qui offre au public – et aux médias ! – un réflexe de don lors des crises humanitaires. A l’étranger, le dispositif est déjà largement répandu : au Royaume-Uni, qui a lancé dès 1963 le Distasters Emergency Committee, mais aussi en Suisse, en Belgique, en Espagne, au Japon… « La France a la chance d’avoir des associations qui ont fait naître le concept de sans-frontiérisme, c’était une vraie anomalie qu’un tel dispositif n’y existe pas« , note Renaud Douci, ex-Directeur du Développement de Solidarités International (l’une des six ONG fondatrices), et futur Délégué Général de Alliances Urgences.

L’idée rôde depuis longtemps, alors pourquoi maintenant ? « C’est à la fois un mouvement dans l’air du temps de se regrouper pour agir ensemble, estime Marie-Pierre Lamotte, Déléguée Générale qui a porté ces derniers mois le projet de sa vision théorique à sa réalisation concrète. Un mouvement certainement un peu soutenu par le contexte économique complexe ».  Pour Renaud Douci, c’est aussi « l’influence d’une génération de dirigeants de l’humanitaire« , qui se connaissent bien et réfléchissaient déjà ensemble aux problématiques de terrain, où ils coopèrent de longue date.

Depuis le 29 janvier, l’anomalie est donc résolue grâce à l’engagement commun de (par ordre alphabétique) : Action Contre la Faim, Care, Handicap International, Médecins du Monde, Plan International et Solidarités International. Une farandole de belles marques qui ont choisi volontairement de faire désormais bannière commune en cas d’appel d’urgence. Volontairement mais au bout d’un chemin de deux ans de discussions et de travail, impliquant toutes leurs équipes afin de passer en revue l’intégralité des règles de fonctionnement de l’alliance, le tout accompagné pro bono par Mc Kinsey et Publicis.

A compter d’aujourd’hui, ces six associations, dont chacune a un siège au Conseil d’Administration de Alliance Urgences (elle-même créée sous la forme d’association), décident ensemble « d’y aller ou pas » en cas de crise. La décision étant actée dès lors que trois d’entre elles sont d’accord. Les fonds collectés ensuite sont répartis selon une clé décidée annuellement (et explicitée en toute transparence sur le site de Alliance Urgences) qui mixe montant de leurs collectes privées et part de leurs missions sociales réalisée à l’étranger. Elles s’engagent par ailleurs à ne pas communiquer en solo sur les crises portées par Alliance Urgences, même si chacune pourra continuer à solliciter ses propres donateurs en mentionnant toutefois l’appartenance à l’alliance.

« L’idée est d’aller toucher des nouveaux donateurs, souligne Marie-Pierre Lamotte, de mobiliser des gens qui ne sont pas attachés à une structure pour élargir le champ« .  De fait, poursuit Renaud Douci, « Alliance Urgences n’a pas de velléité de transformer les donateurs ponctuels en donateurs réguliers, et les études sur les expériences étrangères démontrent que les ONG participant ont augmenté leur collecte ». Pour rôder le dispositif hors urgence majeure et prendre le temps de sensibiliser médias, régies publicitaires et grand public, Alliance Urgences a ainsi lancé la semaine dernière sa première collecte afin d’aider les réfugiés Rohingyas. Une option de soutien à une « crise oubliée » qu’elle ne s’interdit pas de reproduire à l’avenir. Tout comme elle attend de voir d’autres organisations la rejoindre. « Il est possible, et surtout souhaitable, que d’autres associations rejoignent Alliance Urgences soutient Renaud Douci. A condition que ce soient des ONG humanitaires de terrain, qu’elles soient complémentaires & qu’elles acceptent de la jouer elles aussi collectif ».

 

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site allianceurgences.org