Culture de l’impact : faut-il vraiment se réjouir ?
1 février 2018
Comment booster les projets d’intérêt général ? Le Haut-commissariat à l’économie sociale et solidaire, en partenariat avec la caisse des dépôts et consignations a lancé, le 18 janvier, un appel à projet pour « accélérer l’innovation sociale ». But de l’opération : sélectionner 10 à 15 entreprises de l’économie sociale (dépôt des candidatures, avant le 26 février). L’un des critères est « l’impact social » des projets menés, comme l’indique cette note. « L’impact » est d’ailleurs si important qu’il a été donné comme le mot d’ordre à l’opération baptisée #FrenchImpact, et qu’il semble justifier à lui seul le milliard d’euros (pour le quinquennat) mis sur la table par le gouvernement. « Le French impact sera la nouvelle bannière de l’économie sociale et solidaire, et plus largement de tous les acteurs de l’innovation sociale, a déclaré Christophe Itier, le Haut commissaire à l’ESS. Cette économie, c’est un des facteurs de compétitivité et d’attractivité du pays, au même titre que la French tech ».
Mais tout miser sur l’impact est-il vraiment une bonne idée ? Pas si sûr, explique Rodolphe Gouin, à la tête de la Fondation AP-HP pour la recherche, dans un très intéressant texte publié sur le site de TheConversation (à lire, impérativement !, ici) où il alerte sur « les dangers (relatifs) de la culture de l’impact ». Un texte qui jette un pavé dans la mare et lance un débat complexe et indispensable pour le monde du fundraising.
Pour Rodolphe Gouin, la diffusion de la culture de l’impact dans le champ de l’intérêt général est comparable à l’avènement du New Public Management, qui a introduit, dans le secteur des services publics, la mise en concurrence entre les acteurs et « l’évaluation systématique des moyens mis en œuvre et de l’atteinte des objectifs initialement fixés ».
Certes, souligne Rodolphe Gouin, la culture de l’impact est bien utile, notamment pour la collecte de fonds : « La culture du résultat et de la mesure de l’impact fournissent aux donateurs sur-sollicités des cadres de pensée ou une méthode pratique et à la mode pour sortir de leur dilemme », écrit-il. « Dans une culture généralisée de l’impact, adopter le vocabulaire et les pratiques propres à ce paradigme permet aussi de fournir aux représentants des financeurs (privés et publics) des arguments et des justifications valorisés par leurs décideurs. Les performances de collecte s’en trouvent améliorées ».
Néanmoins, on aurait tort de ne voir dans le « paradigme du résultat » qu’une simple technique. Le management par objectifs, le reporting sur les résultats ou la méthode d’appel à projets par les fondations fondent le creuset d’une « nouvelle idéologie » mise en place dans le secteur, souligne le fundraiser. Lui invite à ne pas tout mélanger, et à « déconnecter impact et efficience du don », ainsi qu’à ne pas sacrifier les valeurs au nom de la rentabilité de l’action : « Veillons à ce que la vertu de l’idée d’impact qui focalise l’attention sur les finalités ne s’implante pas au cœur des instruments qui la desservent », conclut-il. Le débat est lancé.
à Dans la même veine, retrouvez une analyse critique des « contrats à impact social » sur le site de « La Vie des idées », en cliquant ici.
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