Hier, mardi 10 septembre, se tenait la 5ème édition de la Conférence Mécénat territorial et collectivités organisée par l’AFF. L’occasion de faire le point sur l’évolution des dynamiques d’innovation et de coopération induites par le mécénat à l’échelle des territoires.

Ils étaient quelques 150 participants dans les salons de l’Hôtel de ville de Paris pour aborder en ateliers les clés de succès d’une campagne de crowdfunding, les subtilités du CRM, la question des conflits d’intérêts entre mécénat et marchés publics ou l’art du savoir-être en collecte de fonds. Avec, en point d’orgue de la journée, la question du mécénat des entreprises, au cœur de l’actualité. Alors que les fondations territoriales se développent doucement en France depuis une dizaine d’années, le Nord était présent en force dans la plénière d’ouverture avec Delphine Vandevoorde, directrice de la pionnière Fondation de Lille (initiée par Pierre Mauroy, maire de Lille au milieu des années 80) et Isabelle Wille de la jeune Fondation du Nord (créée en 2018).

Trente années presque séparent donc ces deux structures, mais elles sont toutes deux le fruit d’une longue réflexion sur l’initiation d’une dynamique partenariale avec les entreprises au bénéfice du territoire. La Fondation de Lille, après dix ans d’association de préfiguration, est devenue Fondation Reconnue d’Utilité Publique en 1997, puis abritante en 2008 (elle accueille aujourd’hui quatre structures sous son égide). Créée à l’époque grâce à l’apport de sept banques locales, elle fonctionne aujourd’hui majoritairement grâce aux contributions de quatre collectivités (région, département, mairie…) afin de soutenir des initiatives d’intérêt général sur le territoire (éducation,  précarité, culture…), mais aussi de contribuer au rayonnement de ce territoire, notamment via des programmes d’aide internationale.

De son côté, la Fondation du Nord a fait le pari de s’abriter elle-même sous l’égide de la fondation FACE – Agir Contre l’Exclusion. Initiée également par le représentant d’une collectivité (le département), son ambition est de devenir un lieu où entreprises et acteurs publics peuvent apprendre à « jouer collectif », alliant l’expertise publique en matière d’action sociale à l’esprit d’entreprise du collectif de fondateurs.

Gouvernances différentes, âges différents, modèles de financement différents, mais un point commun, noté par Charles Benoit Heidsieck, président-fsondateur du Rameau, un laboratoire de recherche sur la coconstruction du bien commun qui suit depuis sa création l’évolution des partenariats publics-privés : s’inscrire dans le mouvement croissant des « catalyseurs territoriaux ». « Ces lieux neutres où se nouent de nouvelles ingénieries public/ privé/ associatif, où l’on apprend à faire ensemble, étaient une dizaine en 2010, relate Charles-Benoît Heidsieck, ils sont aujourd’hui plus de 350 en France, initiés par des acteurs différents (collectivités, associations, entreprises) car selon la typologie du territoire, on ne fait pas alliance de la même façon« .

Cette idée de catalyseur, les deux fondations présentes s’y retrouvent. « C’était la volonté de notre Fondateur Pierre Mauroy, reconnaît Delphine Vandevoorde de la Fondation de Lille. Mais cela ne se décrète pas. Cela prend du temps de mobiliser mais aujourd’hui on sent monter un vrai désir de travailler ensemble et la fondation est perçue comme un lieu de neutralité, et même parfois de médiation« . De son côté Isabelle Wille explique : « L’ambition du décloisonnement est à l’origine même de la création de la Fondation du Nord et c’est ce qui a guidé la définition de son champ d’action. Avec la volonté d’aller vers des zones dépourvues d’ingénierie sociale, vers des projets que l’action publique ne peut pas soutenir car ils ne ‘cochent pas les cases’ « .

En creux, c’est donc d’innovation sociale dont il s’agit, même si les fondations ne s’en revendiquent pas en ces termes, avec une volonté de construire véritablement ensemble, chaque acteur étant de plus en plus conscient des limites de son champ d’action propre. « Ces structures permettent aussi de garder la mémoire de l’expérimentation« , poursuit Charles-Benoit Heidsieck. De capitaliser dessus le moment venu, de la partager. Mais pour cela conclut-il, « il faut commencer par faire le pari de la confiance« .