Zoé Macêdo-Roussier, responsable de la Philanthropie à l’Institut Curie, partage son expérience dans la mise en place d'une stratégie grands donateurs et répond à 3 questions :
Avant de travailler dans le secteur de la santé, vous avez œuvré dans le domaine culturel. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Après mes études, je suis partie au Brésil où j’ai travaillé au musée d’Art Moderne de São Paulo. Ça a été mon initiation à la problématique de la collecte, car j’y ai entrevu les enjeux de financement des projets culturels qui sont parfois bloqués faute de financements. De retour en France, mon parcours a été jalonné de premières fois. J’ai notamment eu la chance de travailler pour le musée du Quai Branly, au moment historique de son inauguration. Puis, lors du lancement de la Cité de l’architecture et du patrimoine où je suis restée sept ans. Et enfin à la Philharmonie de Paris, au moment de sa préfiguration. J’y ai mis en place une stratégie de collecte auprès des particuliers. Ce qui était passionnant, c’était de créer quelque chose qui n’existait pas auparavant. Cela dit, la page n’est jamais tout à fait blanche : tout l’intérêt est de tirer parti d’un écosystème qui existe déjà autour d’un projet, d’une institution et de ceux qui la portent. Après dix ans à la Philharmonie, j’ai fait un bilan de compétences. Je me suis départie de certaines croyances négatives sur le secteur culturel, qui serait moins professionnalisé, sans stratégie de marketing direct, avec une mesure d’impact moindre. J'ai découvert que mes expertises étaient transposables ailleurs. J’ai réalisé que le fundraising était un métier, applicable dans d’autres secteurs, et j’ai voulu l’exercer à l’Institut Curie, qui est un établissement de recherche et de soins, mais aussi un lieu patrimonial, nourri de l’héritage et de la mémoire de Marie Curie et de sa famille.
Parallèlement à vos missions relatives au mécénat d’entreprise et à la coordination des actions de solidarité, comment avez-vous pris en main la stratégie grands donateurs ?
Cette fois, je ne suis pas arrivée avec une page blanche, la collecte est déjà très structurée à l’Institut Curie. Ce qui m’a plu dans cette transition, c’est de travailler avec un vrai comité de campagne, de façon extrêmement efficace, que ce soit pour la France ou les États-Unis. On prend alors conscience de la force du réseau et de l’importance fondamentale d’animer la relation au quotidien avec les membres du comité, nos meilleurs ambassadeurs. Ils initient un premier contact avec leur réseau, afin que nous puissions ensuite y accéder et défendre notre projet. C’est un travail dans la dentelle, personnalisé et individualisé. Il passe aussi par un engagement fort de la présidence et par l’organisation d’événements de prestige, mobilisateurs pour le comité, comme des galas. Le dernier en date nous a permis de collecter plus d’un million d’euros.
Quels sont les autres facteurs de succès de cette stratégie ?
Dans le secteur de la recherche, il faut être capable de formuler les projets dans leur dimension transformationnelle pour porter un enthousiasme, une vision, avec un budget atteignable mais suffisamment ambitieux pour motiver un comité de campagne. Pour créer la dynamique, il est essentiel de travailler avec la gouvernance et de créer un dialogue de qualité avec le comité. Cette relation de partenariat, dans laquelle nos ambassadeurs sont reconnus comme parties prenantes de l’institution à part entière, est déterminante pour la confiance mutuelle et la capacité à lever des fonds ensemble. Enfin, le fundraising est un sport d’endurance ; pour dix sollicitations, une seule va aboutir. Il serait illusoire de penser qu’avoir un comité de campagne suffit. Il faut trouver la bonne cible, la bonne manière de solliciter, le bon moment, le bon projet et surtout, construire la confiance avec patience. C’est le fruit d’un travail de cultivation sur le long terme.