Nous vous proposons un extrait de l’interview réalisée par Francis Charhon dans le cadre de son blog Chroniques philanthropiques. L’interview intégrale se trouve sur le site de Carenews ici.

 

La collecte de ressources est indispensable pour tous les acteurs de la philanthropie. Au moment où le nombre de donateurs stagne, des évolutions importantes des méthodes de collecte sont nécessaires pour que se développent les capacités d’interventions des organisations à but non lucratif. L’interview de Yaële Aferiat, directrice de l’Association Française des Fundraisers (AFF), nous montre les voies d’avenir et appelle à des politiques d’investissements et d’alliances.

L’AFF est le réseau de référence des fundraisers en France, c’est-à-dire des collecteurs de dons. L’association existe depuis plus de 30 ans. Au départ, c’était un « Club des Fundraisers » informel pour permettre aux pionniers de ce métier d’échanger et de partager leurs pratiques. Il rassemblait des personnes de différentes ONG plutôt dans la mouvance des French Doctors, avec un prisme lié au développement du marketing direct au service du financement associatif et le mailing qui a été au centre du fundraising à ses débuts. Mais, depuis 30 ans, énormément de choses ont changé. D’abord le nombre de structures et secteurs collectant des fonds : le secteur public, les hôpitaux, les universités…  mais aussi les cibles et les outils du fundraising avec notamment le développement des stratégies grands donateurs dans les années 2000. Durant ce temps le fundraising s’est énormément professionnalisé, avec de plus en plus de métiers qui incarnent la diversification des stratégies des organisations faisant appel à la générosité.

 

FAIRE FACE À UN AVENIR INCERTAIN

  • Aujourd’hui, on constate que le nombre de donateurs a diminué, les montants perdus ont été compensés par des dons plus importants. Avons-nous atteint un sommet et il va falloir trouver des opportunités ?

Je ne crois pas que nous soyons au « pic » de la générosité, mais nous sommes peut-être arrivés à une fin de cycle ou de façon d’appréhender le fundraising face à d’importants bouleversements. Le contexte économique actuel rend effectivement la question du don financier plus complexe. Face à cela, il me semble important que de plus en plus de structures collectrices sortent de la logique de don pour mettre en place des stratégies d’engagement et de mobilisation. Peut-être que les fundraisers devraient changer de nom, parce qu’ils ne font plus seulement de la mobilisation de fonds, mais œuvrent aussi au développement de ressources multiples.

 

  • Que proposeriez vous ?

 

Je préfère parler de directeurs du développement des ressources, au sens large : les ressources financières, mais aussi les forces humaines des bénévoles, les ressources en temps, les ressources en compétences au sein entreprises partenaires, ou encore les clics au profit de la cause, la capacité des sympathisant à une cause à en mobiliser d’autres, les collectes en nature de toutes sortes… Je pense que la logique transactionnelle pure a atteint sa limite. 

 

UNE ÉTUDE PROSPECTIVE POUR ÉCLAIRER L’AVENIR

  • C’est ce qui vous a amené à réaliser une étude prospective pour éclairer l’avenir ?

 

Au-delà des éléments dont nous venons de parler, nous sentons bien que d’importantes mutations sont à l’œuvre dans la société, avec des impacts sur la générosité, la capacité à s’engager. Par exemple, on parle de société de l’engagement, mais que met-on derrière ? Qu’est-ce que la culture de l’engagement ? Et comment cet engagement va-t-il évoluer dans une société qui se polarise ? Est-il une force de transformation pour le meilleur, que les associations peuvent aider à concrétiser, ou un engagement virulent « contre » qui crée un contexte de repli ? Face aux incertitudes pour l’avenir, à la complexité dans laquelle nous évoluons, la prospective nous a semblé être un outil intéressant pour prendre un peu de hauteur, comprendre les scénarios possibles pour le fundraising et les fundraisers et identifier où se trouvent les leviers à mettre en œuvre aujourd’hui pour eux. Par exemple, nous avons traité la question des donateurs par le prisme du « comportement du consommateur-donateur-citoyen », afin de réfléchir à la manière dont le don s’inscrit dans les arbitrages des Français. Si nous, fundraisers, avons eu tendance à faire du don un acte « à part », n’est-il pas de plus en plus substituable avec l’éco-consommation ou les gestes responsables ?

 

  • Cette étude présente quatre scénarios. Est-ce que chacun donne des pistes, ou est-ce plutôt un mix, s’il y a des voies nouvelles ?

Les quatre images de l’avenir qui émergent de nos travaux sont le reflet de l’incertitude à laquelle les fundraisers sont confrontés, chacun illustre des risques, des opportunités pour demain et donc des voies à explorer et des évolutions auxquelles se préparer. 

  1. Le premier scénario est un peu la poursuite de ce que nous connaissons aujourd’hui : un fundraising sous tension et en transformation progressive, avec des difficultés à faire évoluer les modèles. 
  2. Le deuxième scénario envisage un fundraising aux prises avec un fort mouvement d’hybridation « profit / non-profit ». 
  3. Le scénario trois est vraiment dans une logique de fragmentation, d’hyper-proximité.
  4. Le dernier met en lumière des enjeux d’alliances pour un fundraising moteur de coopération au service des « communs ». 

Ce dernier scénario est celui que l’on pourrait appeler de nos vœux. Il va dans la mouvance des changements systémiques, des coalitions pour développer un impact collectif. Pourtant les fundraisers, qui sont dans ce scénario le moteur de coopérations renforcées qui amène à un important développement des collectes, ont tendance le juger le moins probable de quatre.

 

  • Parce qu’il est le plus difficile à mettre en œuvre ?

 

Les autres scénarios sont plus subis. Celui-ci demande évidemment à réinventer beaucoup de nos pratiques, d’où le regard un peu ambigu de certains fundraiser sur ce scénario : derrière les alliances, il semble difficile de faire vivre les marques, la relation avec « ses » donateurs spécifiques. Pourtant, par rapport aux enjeux globaux de transformation, c’est peut-être celui qui permettrait d’avoir le plus fort impact, avec une forme de rationalisation de la carte des causes. Et des signaux sont déjà présents aujourd’hui avec le développement d’alliances de type Alliance Urgence, la coalition des fondations pour le climat ou, au moment du Covid, l’alliance Fondation de France, Pasteur, AP-HP. Si c’est un horizon vers lequel nous souhaiterions tendre, il ne signifie pas qu’il n’y a pas d’avenir hors des alliances, et que chaque organisation voit quel chemin elle peut prendre en fonction de son identité, de son histoire, de ses partenaires existants…

 

  • Qu’en est-il du scénario que vous qualifiez d’hyper-proximité ? 

 

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Bonne lecture !