La veille de l’AFF du 09 novembre 2023
9 novembre 2023
Le mécénat au secours de la culture … Les acteurs du secteur culturel convoitent de plus en plus les grandes fortunes et les entreprises pour boucler leur financement. Et pour cause : les grandes heures de l’Etat-providence semblent aujourd’hui appartenir au passé.
Même si le fossé reste encore important entre l’argent dépensé pour la culture par les pouvoirs publics (près de 18 Mds€ en 2022) et celui apporté par le mécénat (5 Mds€ pour les dons de particuliers et 3,6 Mds€ pour le mécénat des entreprises, dont 22% pour la culture), les institutions culturelles ont aujourd’hui souvent besoin de deniers privés pour financer leurs projets.
L’Etat, qui le sait mieux que quiconque, a multiplié les réformes, ces dernières années, pour encourager les grandes fortunes et les sociétés à soutenir le secteur culturel. La loi Aillagon de 2003 permet notamment une réduction d’impôts de 60% pour les entreprises et de 66% pour les individuels. Le mécénat d’entreprise a été davantage encadré en 2019, avec une baisse de la déduction de 60% à 40% pour les dons supérieurs à 2 M€. Si un mécène accepte d’acheter une œuvre reconnue comme « Trésor national », la réduction d’impôt peut atteindre… 90%.
La conséquence de ces nouvelles lois ne s’est pas faite attendre. En vingt ans, le nombre de fondations a plus que doublé en France pour atteindre 2800 structures actives en 2021, selon l’Observatoire de la philanthropie, sous l’égide de la Fondation de France. En deux décennies, leurs actifs ont quadruplé pour atteindre 32 Mds€.
Les pouvoirs publics n’hésitent plus aujourd’hui à faire la cour aux entreprises pour les encourager à soutenir le secteur culturel. Pour célébrer le 20ème anniversaire de la Loi Aillagon, le « Mécénat Tour » va se rendre dans cinq régions. Après l’Hérault (24 mai) et le Tarn (27 septembre) et avant les Pyrénées-Orientales (22 novembre) et la Haute-Garonne (février 2024), cette « caravane de la générosité » va faire étape le 22 novembre en Occitanie. Les organisateurs du Mécénat Tour donnent la parole à des chefs d’entreprises pour témoigner des nombreuses initiatives exemplaires qui ont fleuri en 20 ans (clubs, fonds de dotations, fondations…) et pour exposer leurs motivations, afin d’encourager leurs pairs à se lancer dans cette aventure.
Certains commencent à s’inquiéter de ces initiatives et se demandent si la France ne chercherait pas à importer le modèle américain de la philanthropie dans les arts. Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez cet article très intéressant publié par Alternatives Economiques.
Le Maghreb ouvre ses portes au financement participatif. Après le Maroc, l’Algérie vient d’autoriser le crowfunding dans son pays.
Le document paru au journal officiel de la République algérienne stipule que la création d’une plateforme de placement de fonds du grand public dans des projets d’investissement participatif devra être autorisée par le gouvernement. Les sociétés agréées pourront proposer au grand public des programmes dont le montant total n’excède pas 20 millions de dinars algériens (138.000 euros) par an et par projet. Ce plafond très bas ne devrait pas permettre de financer des projets ambitieux. Certains verront dans cette réforme le verre à moitié plein, d’autres la coupe à demie vide …
Un Loto pour Mère Nature. Suite au succès du « Loto du Patrimoine » de Stéphane Bern, la Française des Jeux vient de lancer « Mission Nature ». Ce jeu à gratter va permettre de soutenir une vingtaine de projets de « restauration de la biodiversité » sélectionnés par L’Office français de la biodiversité. Parmi les plus symboliques figurent la sauvegarde des mangroves du Lamentin, la réhabilitation des populations de tortues d’Hermann dans le Var, le sauvetage de l’herbier de Posidonie ou encore le retour du plus grand rapace d’Europe, le gypaète barbu.
Ce jeu a été la cible de nombreuses critiques ces derniers mois. Inscrit dans la Loi de finances 2023, il avait été jugé « trop addictif pour les jeunes » par le régulateur du secteur des jeux, l’Autorité nationale des jeux (ANJ), et sa création avait été rejetée par le Sénat en novembre 2022. Des élus comme la sénatrice socialiste Angèle Préville parlent même de « greenwashing du jeu ». Sur les 3 euros du prix de vente du ticket de ce loto, seulement 43 centimes seront reversés à l’Office de la biodiversité. Ce projet devrait néanmoins permettre de récolter 6 millions d’euros si les 14 millions de jeux à gratter sont écoulés.
Acheter, mais pour la bonne cause ! Au Royaume-Uni, plusieurs grandes marques proposent des articles dont une partie du prix est reversée à des bonnes causes.
Pour son opération « Duvet That Does Good », IKEA va donner une livre sterling à l’association Shelter qui aide les mal-logés pour chaque couette vendue entre le 16 octobre et le 20 novembre. Les magasins One Stop commercialisent, quant à eux, pour la 11ème année consécutive toute une série d’objets dont des gourdes et des ours en peluche en faveur de BBC Children in Need. 1 livre sterling sera versée à The British Bee Charity pour la vente d’un harnais pour chien chez Topdog. McDonald’s UK et Coca-Cola se sont, pour leur part, associés pour vendre des bouteilles d’eau en métal et lever des fonds en faveurs de Ronald McDonald House Charities UK . A qui le tour ?
La concurrence dans la philanthropie ne serait pas un gros mot ? Beaucoup d’acteurs de la générosité considèrent la compétition comme un mal plutôt qu’un bien. Dans son livre intitulé « Winners Take All », Anand Giridharadas montre comment les philanthropes obligent les organisations à but non lucratif à se concurrencer tout en se forgeant une réputation de bienfaiteurs. D’autres experts sont nettement moins critiques et jugent que les concours dotés de prix prestigieux peuvent mettre en avant des questions importantes et mobiliser des fonds de manière rapide et efficace. Ce phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur aux Etats-Unis. Selon une étude commandée par Lever for Change, le nombre de grands prix et de concours philanthropiques basés sur des candidatures est passé de 36 entre 2005 et 2009 à près de 600 entre 2015 et 2020. Parmi les exemples notables, citons le prix de 100 millions de dollars d’Elon Musk pour l’élimination du carbone, l’enveloppe Earthshot de 1,2 million de dollars du Prince William pour le changement climatique ou le défi Impact Challenge for Women and Girls de 25 millions de dollars de Google.org. Ces dotations très importantes peuvent réellement aider une bonne cause mais la compétition est-elle le meilleur moyen de sélectionner les structures bénéficiaires ? A vous de juger…
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