Quand les ONG retournent la haine en ligne
3 juillet 2019
SOS Homophobie lançait le 26 juin une campagne pour contrer les propos homophobes sur Twitter à coups de drapeau arc-en-ciel. Fin avril, la LICRA s’attaquait aux messages racistes et antisémites avec des affiches de propagande des années 20 ou 40. Alors que l’Assemblée Nationale planche sur une loi contre la haine en ligne, comment les ONG font du retournement de cette haine une nouvelle arme de mobilisation ?
Le 9 juillet, l’Assemblée Nationale votera la loi visant à durcir la lutte contre la haine en ligne. Objectif : responsabiliser plateformes et moteurs de recherche en leur imposant de retirer les contenus « manifestement haineux » dans les 24 heures suivant leur publication, au risque d’être condamnés à des amendes pouvant dépasser le million d’euros pour la plateforme et 250 000 euros pour la personne publiant le contenu. Sortir Internet de l’impunité, chercher la prise de conscience collective, tout en évitant les écueils de la censure… le texte est évidemment controversé, notamment sur la faisabilité des délais de retrait. Mais en attendant de voir comment les débats qui se tiennent ce mercredi et demain se concluent, les ONG, souvent confrontées aux trolls et autres haters, se saisissent elles-mêmes du dossier.
L’an dernier déjà, Solidarités International s’attaquait aux commentaires haineux publiés sur les réseaux suite au lancement de sa campagne « Kit dignité pour les réfugiés », en reprenant avec finesse (et littéralement) en film et affichage les propos du genre « quill creve, rien à foutre de tes putins de réfugier » pour réaffirmer son action (voir notre article de mai 2018 ici) sous le claim « Répondons solidarité ». Un ressort de retournement qui semble se développer sur d’autres causes, comme en témoigne la campagne menée sur Twitter du 24 au 29 juin (journée de la marche des fiertés) par SOS Homophobie et son agence TBWAParis.
Alors que 30 millions de posts homophobes auraient été recensés sur les réseaux sociaux en France selon l’association, SOS Homophobie a mobilisé ses bénévoles afin qu’ils remplacent leur photo de profil par l’une des six couleurs du drapeau LGBT. Chaque tweet haineux repéré sur la période recevait ensuite six réponses consécutives (affichant donc à la file ledit drapeau) formant ensemble la réponse » Tous unis, nous sommes plus forts que l’homophobie ». Une septième réponse postée par l’association concluait « la haine n’aura jamais le dernier mot ». Selon le magazine Stratégies, 24h après son lancement, l’opération avait déjà été vue 100 000 fois. Pour voir le film expliquant l’ensemble du dispositif, rendez-vous sur le site de l’association.
Fin avril, ressort un peu différent mais même ambition, ce sont la LICRA et Publicis Conseil qui contraient les propos racistes et antisémites. Ici pas de bénévoles à la manœuvre mais un algorithme d’intelligence artificielle détectant les tweets haineux capables d’y associer des affiches de propagande des années 20 à 40 véhiculant des idées similaires à celles du message publié (affiches d’époque fournies par le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, la Bibliothèque nationale de France ou les Archives Nationales). Les textes d’époque ayant été remplacés par les tweet contemporains, la LICRA a mené campagne autour de ces visuels online et offline (voir ici le film de campagne). Call-to-action de cette campagne « Affiche le racisme » : inciter à signer une pétition. Pour, justement, appeler à faire changer la loi.
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