Plus d’un mois après l’incendie de Notre-Dame, les cycles médiatiques questionnant / encourageant la générosité n’en finissent pas de s’enchaîner. Au programme de la quinzaine, emmenée par l’adoption de la loi à l’Assemblée Nationale et l’arrêt de la collecte dédiée de la Fondation du Patrimoine, l’insoluble question « trop ou pas ? » 

 

La Fondation du Patrimoine serait-elle le MSF du secteur patrimonial ? Il y a presque quinze ans (déjà…), en plein élan massif de générosité, l’association urgentiste avait stoppé sa collecte liée au tsunami qui avait submergé l’Asie du sud-est une dizaine de jours après l’événement, considérant qu’elle avait collecté suffisamment pour mener à bien les missions qu’elle était en capacité de réaliser… et suscitant l’ire de ses consœurs humanitaires avec cet acte jugé à l’époque « irresponsable » par certains, en ce qu’il laissait entendre qu’il fallait arrêter les collectes tout court.

 

On n’est pas loin de répéter l’histoire. Alors que les médias continuent à faire durer le plaisir de la générosité, se faisant chaque jour l’écho des contributions variées (de l’urne d’un temple bouddhiste japonais à l’initiative littéraire de Ken Follett, auteur des Piliers de la Terre dans lequel il décrivait justement l’incendie d’une cathédrale), mais que les rétropédalages généreux continuent aussi, notamment dans les collectivités (voir notre dernier article ici, ou encore par là, le cas récent de Nancy), la Fondation du Patrimoine a tranché.

 

Le 10 mai, elle annonçait en effet la fermeture imminente de sa collecte ouverte au lendemain de l’incendie, forte de « 218 millions d’euros collectés par notre seule fondation en un mois, grâce à la générosité de 228 000 donateurs et entreprises de 152 pays » précise son communiqué. Mais pour continuer à absorber la générosité, profitant de la sensibilisation aux enjeux patrimoniaux occasionnée par le drame de Notre-Dame, elle lançait dans la foulée une campagne « Plus jamais ça ».  Cette nouvelle initiative est destinée à alimenter un fonds d’urgence pour les « petites Notre-Dame » qui seront sélectionnées parmi les près de 3000 projets qu’elle soutient actuellement. Le nombre de sites retenus dépendra du montant des fonds recueillis (à ce jour, soit une semaine après son lancement, la page dédiée sur son site revendique près de 85.000 euros de dons).

 

Une annonce intervenue pile lors de l’adoption par l’Assemblée Nationale de la « Loi Notre-Dame » qui a généré de vifs débats sur l’utilisation éventuelle des surplus de dons (voir notamment l’article du Point). Et qui a engendré, au mieux le silence de ses co-collecteurs, mais aussi des réactions plus vigoureuses, notamment du côté de Franck Riester, ministre de la Culture, accusant la fondation de « trahir la confiance » des donateurs (voir l’article de Public Sénat par exemple) et engageant à poursuivre leurs contributions, notamment aux côtés de la Fondation Notre-Dame.

 

Au cœur du sujet, comme pour le tsunami, le coût de la reconstruction. Des chiffres circulent. De 600 à 800 millions. Ou plus. Ou pas. Et « qui vous dit que cela ne coûtera pas 2 milliards » interrogeait le 15 mai sur BFMTV André Finot, responsable de la communication de la cathédrale… En question aussi la réalité des fonds qui seront effectivement versés face aux promesses faites dans les jours d’émoi suivant l’incendie. Un débat que seul le temps tranchera. En attendant, comme MSF à l’époque, la Fondation du Patrimoine a opté pour la prudence.