De Notre-Dame au Covid-19… Un an après l’incendie de la cathédrale de Paris, Julien Guinhut, directeur du développement et de la communication de la Fondation du patrimoine, revient sur une année « hors du commun ».

 

Quel bilan dressez-vous de la collecte Notre-Dame ?

Notre-Dame signait à la fois le triomphe du digital, mais aussi la nécessité, pour toutes les associations et fondations, d’avoir des plans d’urgences, même si elles ne sont pas des urgentistes. Cette crise du Covid-19 me semble confirmer ces constats. Chez nous en tous cas, la crise de Notre-Dame a été l’occasion de gagner en maturité sur ces sujets. Ces crises prouvent aussi l’impératif désormais absolu de faire fonctionner collecte et communication de crise ensemble. Sur Notre-Dame, l’une de mes grandes satisfactions, c’est que 97% des engagements des entreprises ont été confirmés un an après. N’en déplaise à ceux qui portaient des soupçons sur leur générosité. Cela a été une des priorités de notre Président, Guillaume Poitrinal, que chaque mécénat soit scellé par une convention avant le 31 décembre 2019. Il anticipait l’évolution du cadre fiscal, mais nous mettait aussi en garde : « vous ne savez pas s’il n’y a pas une crise économique sur le point d’éclater ». Nous n’avons pas pris de vacances de fin d’année, mais tous les fonds ont été sécurisés !

 

Quels enseignements en tirer pour aujourd’hui ?

Avec le recul, je trouve que c’était très pertinent de la part du Gouvernement de reconnaître quatre acteurs de référence pour canaliser la collecte Notre-Dame. Cette idée de « cluster de collecte », un peu à l’image de ce que fait la Fondation de France avec l’Institut Pasteur et l’AP-HP me semble vraiment utile en temps de crise. L’autre point commun entre Notre-Dame et aujourd’hui, c’est l’importance de la pédagogie des catastrophes. Que ce soit l’entretien des monuments historiques, la recherche sur des maladies lointaines, la préservation de la biodiversité ou l’importance du lien social… Ce sont des enjeux qui semblent manquer d’incarnation. Et soudain, tout devient clair. L’effet papillon devient visible. Cette révélation en période de confinement nous pousse à revoir également nos échelles de priorités. Internet nous relie à Amazon ou Netflix mais nous sommes coupés de ce qui fait l’essence de notre identité culturelle : un café avec des amis, une exposition, un repas en famille.   

 

Comment la Fondation du patrimoine traverse-t-elle la crise actuelle ?

Nous étions en première ligne sur la collecte l’an dernier, aujourd’hui notre enjeu est sur le terrain de la communication afin de garder le lien avec nos publics. Concrètement, nous en sommes à -40% sur le don en ligne par rapport à 2019 (sur la période 14 mars-14 avril, donc avant la collecte Notre Dame), et le trafic sur notre site a baissé de 30%. A ce stade, cette baisse me semble cohérente et ne m’inquiète pas outre mesure. La question se posera plus lors de nos grands moments de collecte, à l’automne, autour des journées du patrimoine. Cela dit, si nous ne promouvons pas particulièrement de collecte grand public, nous allons maintenir notre campagne IFI et grands donateurs parce que le patrimoine est un enjeu de lien social et de survie économique de nos partenaires. Ce sont pour eux, les chantiers d’insertion, les associations locales ou les artisans qui mènent les opérations de sauvegarde et de promotion du patrimoine que je suis en réalité le plus inquiet aujourd’hui.