Les 27 et 28 Novembre, la Halle Pajol à Paris a accueilli la 10ème conférence de l’AFF dédiée à la culture. Entre fiscalité du mécénat, année « Notre-Dame » et témoignages de philanthropes, retour sur l’événement, les débats et les espoirs qui animent le secteur.

Elle s’est bien épanouie en 10 ans, comme en témoignent les 200 professionnels du fundraising réunis pour celle nouvelle édition de la « Conf Culture » : de nombreux nouveaux venus, mais aussi des habitués, heureux de se retrouver pour ce rendez-vous désormais incontournable. Des représentants d’institutions emblématiques, mais aussi des porteurs de projets plus confidentiels. Loin de l’image parfois élitiste donnée à la culture, cette conférence annuelle est le reflet d’un secteur aux visages multiples, qui aspire à échanger, qui se penche sur l’hybridation de ses modèles, qui ouvre sa vision sur ses métiers. Une ouverture internationale notamment, puisque sans bouger de Paris, les participants ont pu visiter le fundraising du célèbre Rijksmuseum d’Amsterdam ou le Fondo Ambiente, institution du patrimoine italien !

Outre une décennie d’existence à fêter, cette conférence s’ouvrait dans une ambiance particulière. 2019 : année Notre Dame mais aussi année de la pression sur la fiscalité et sur l’image du mécénat.  Pour engager les conversations sous l’angle de l’espoir, la plénière d’ouverture accueillait Celia Vérot, directrice générale de la Fondation du Patrimoine, pour un retour sur la collecte exceptionnelle réalisée suite à l’incendie de la cathédrale de Paris. Un événement à bien des titres et qui marque, selon elle, « la confirmation du grand potentiel qui existe en France et d’une dynamique de mécénat qui dépasse les enjeux législatifs, la remise en cause du cadre fiscal et les controverses ». Une dynamique sur laquelle il faut mettre l’accent, réussir à construire un argumentaire qui permette de sortir des réticences vis-à-vis de l’argent privé pour se concentrer sur ce qu’il permet d’accomplir au regard des enjeux sociétaux.

Le « grand soir » du mécénat ?

Evidemment, pas question pour autant de ne pas affronter la question – les questions – fiscale-s. La très fréquentée session dédiée, animée par Wilfried Meynet, avocat spécialisé en droit associatif et de l’ESS chez Alcya Conseil, s’attachait ainsi – sous le titre provocateur du « grand soir » du mécénat à la française – à faire un tour d’horizon des nouveautés juridiques et surtout fiscales qu’a connu le droit du mécénat ces dernières années, mettant en exergue qu’il n’est pas gravé dans le marbre. Car si différentes instructions fiscales ont apporté des clarifications et des avancées (notion de « cercle restreint de personnes », appréhension de la territorialité…), elles ont également été sources de questionnements et d’insécurité avec notamment la récente doctrine fiscale du 7 août 2019 relative à l’encadrement des contreparties et notamment des contreparties immatérielles qui suscite de grandes interrogations.

Le cadre juridique semble ainsi se durcir sous divers angles : imposition aux entreprises d’obligations déclaratives, renforcement des contrôles, alourdissement des sanctions en cas d’émission indue de reçus fiscaux et, bien entendu, abaissement du taux de réduction de l’IS de 60 à 40 % pour les entreprises donnant plus de 2 millions d’euros (sauf en cas de de dons à des structures dites « amendement Coluche ») et limitation de la rémunération à retenir pour le mécénat de compétences. Autant de mesures qui ne sont pas de nature à rassurer les fundraisers, mais amènent aussi une prise de conscience de l’importance de la sécurisation juridique et fiscale des opérations de mécénat.  Avec, au-delà des craintes, un profond défi à relever : réussir à rassurer les mécènes et construire des relations de long terme dans un cadre légal qui semble plus mouvant que jamais (à venir : la présentation de Wilfried Meynet, pour les adhérents à l’AFF uniquement).

L’impact ? Quel impact ?

Pour finir sur une autre note permettant de mettre du baume au cœur des fundraiser, une table ronde « Paroles de mécènes » fermait cette dixième édition en rassemblant Sophie Lacoste Dournel du Fonds de dotation Porosus, Antoine Le Bourgeois de chez Andera Partners et Joachim Pflieger de la Fondation Fiminco. Pourquoi s’engagent-ils pour la culture ? A cette vaste question, la première réponse est : par passion. « Leur motivation est presque ‘irrationnelle’, résume Croisine Martin-Roland, directrice du Philanthro-Lab, qui animait la table ronde. Elle vient des tripes, de l’émotion et on est loin chez ces témoins des images d’un mécénat qui fait chic ou de ‘consommateurs de contreparties’« .  D’ailleurs, la question de l’impact est assez peu centrale pour ces témoins, loin ici aussi de la tendance montante du philanthro-capitalisme qui rationnalise sa quête de retour sociétal sur investissement.

L’impact, selon les témoins présents, c’est se réjouir de lire l’émotion de musiciens en herbe (Démos), de donner un coup de pouce à un jeune metteur en scène (Porosus a été le premier mécène de l’Atelier des Artistes en Exil), ou de pouvoir offrir un lieu de création et d’exposition à des talents émergents (Fiminco). L’impact, c’est aussi de créer une dynamique collective autour de valeurs partagées. Dynamique professionnelle dans les cas d’Andera Partners, où les salariés sont sollicités pour rencontrer les associations et sélectionner le projet qui leur tient le plus à cœur. Dynamique familiale dans le cas de Porosus : le fonds de dotation a été créé au moment de la vente (non choisie) de l’entreprise familiale. Un choix fait dans l’urgence, en quinze minutes sur un coin de table, afin de poursuivre une aventure commune et de se doter d’un véhicule de transmission des valeurs familiales. Une belle ode à la culture.