Du 25 au 27 juin s’est tenu le 18ème séminaire francophone de la collecte de fonds organisé par l’AFF. Retour sur les grands moments de l’événement, centré sur l’appel à être « plus fort ensemble » et qui s’est attardé sur la question de la philanthropie à l’heure où elle a subi les assauts de l’opinion publique et où le mécénat reste sous la menace d’un coup de rabot fiscal.

Quelques chiffres pour commencer. Ce 18ème séminaire de l’AFF, c’est 686 participants, 158 intervenants, 90 sessions de formation (dont un grand nombre doublées), sur tous les sujets et pour tous les niveaux du débutant à l’expert… Car cette année encore, bon nombre de participants venaient pour la première fois, signe du dynamisme de nos métiers. C’est enfin 650 éventails et un nombre incalculable de litres d’eau distribués, canicule oblige !

Thème central de l’événement : être « plus fort ensemble ». Un appel à l’action collective à l’heure où les métiers de la collecte de fonds sont plus que jamais sous pression : baisse des dons en 2018, polémiques sur la philanthropie dans la foulée de l’incendie de Notre-Dame (voir notre article là), question du tournant digital, du renouveau des générations de donateurs… et en cours, la mobilisation sectorielle face aux menaces d’un coup de rabot par Bercy sur la « niche fiscale » du mécénat (voir notre article ici).

Dans ce contexte chargé, à la fois difficile et porteur d’opportunités de renouveau, être « plus fort ensemble », c’est peut-être commencer par changer la façon dont se définissent collectivement les fundraisers, estimaient Nathalie Bousseau, Présidente de l’AFF, et Yaële Aferiat, Directrice de l’association, en ouverture du séminaire. C’est assumer un statut de changemaker au-delà de celui de professionnel de la mobilisation des ressources. Une posture de professionnel du lien et de l’engagement, à la fois avec les donateurs, bénévoles, soutiens de tous ordres en externe, mais aussi en interne. C’est se mettre à l’écoute de toutes ces forces de changement pour leur permettre de se rencontrer et de faire changer le monde.

Collectif. Le mot d’ordre est donné dès la plénière d’ouverture avec le témoignage de Denis Duverne, président du conseil d’administration d’AXA, président de la Fondation pour la recherche médicale et initiateur de « Changer par le don ». Ambition de l’initiative : créer un mouvement de « philanthropie à la française » en incitant les « personnes se considérant comme aisées » à consacrer 10% de leurs revenus annuels ou de leur patrimoine à des projets d’intérêt général, et surtout à l’afficher en témoignant sur le site du mouvement. Et, reconnaît l’initiateur (voir ici en vidéo son témoignage), c’est souvent là où le bât blesse : accepter de témoigner sur son engagement. Si « Changer par le don » ne grandit pas aussi vite qu’espérait Denis Duverne, c’est sur cet axe que le mouvement entend travailler à l’avenir, en réunissant par exemple les signataires pour des événements afin de soutenir des causes spécifiques, en communicant sur les montants mobilisés à cette occasion afin de donner à voir cet impact collectif. Ce « plus fort ensemble ».

Collective encore l’approche de Greenpeace, représentée dans cette plénière d’ouverture par Jean-François Julliard, son directeur général. Portée par la prise de conscience massive de l’urgence climatique de cette dernière année, l’association a aussi été bousculée par les rassemblements spontanés des jeunes aux quatre coins de l’Europe. Grève scolaire, désobéissance civile… Des mouvements autonomes et sans bannière, que l’association s’est gardée de chercher à récupérer mais tente plutôt d’accompagner tout en revoyant sa propre proposition d’engagement. « Il s’agit de donner la possibilité aux gens de faire campagne avec nous plutôt que de faire campagne pour leur compte« , explique Jean-François Julliard. Un changement de paradigme et une logique d’open campaigning qui change les habitudes en interne, en forçant au lâcher prise sur la communication et à l’autonomisation des militants et bénévoles (voir le témoignage de Jean-François Julliard en vidéo par là).

Faire ensemble plutôt que faire pour. Le thème était aussi au cœur de la table ronde de philanthropes qui refermait la première journée du séminaire. Venus d’horizons divers, avec des structures de tailles variées, les fondations présentes témoignaient toutes de l’aspiration grandissante à la coconstruction avec les associations qu’elles soutiennent, à plus de coordination des initiatives (en incitant parfois des structures aux missions complémentaires à se rapprocher). Oui, l’influence du secteur privé est bien là : de plus en plus, les entreprises deviennent « investisseurs », soucieuses des indicateurs de performance et de l’impact social. Des investisseurs cherchant transparence, sincérité et coopération, prêtes à accompagner, mais aussi en réflexion sur les limites de leurs soutiens, sur la question du financement des frais de fonctionnement au-delà des projets ou sur la simplification des procédures de reporting (voir ici l’ensemble de la table ronde en vidéo).

Vers de nouvelles alliances entre financeurs et opérateurs ? C’est justement ce qu’illustrait le témoignage de Denis Metzger en clôture du séminaire. Ancien Président d’Action Contre la Faim et Président de Break Poverty Foundation, il a souligné à quel point le changement de contexte était un appel à rebattre les cartes de l’intérêt général et de son financement. Sans oublier les risques de la résistance au changement des grandes structures associatives face à la vague entrepreneuriale allant de l’ESS aux entreprises « à mission ». Des acteurs qui s’organisent non pas pour dénoncer ou pallier… mais « pour résoudre » note-t-il. Dans cette optique, l’engagement collectif est la seule voie : c’est celle que vise Break Poverty Foundation pour résoudre – donc – la question de la pauvreté chez les jeunes. Réfléchir ensemble au problème, à l’échelon local : avec les associations du territoire mais aussi avec les entreprises, financeurs du programme… et potentiels employeurs. Trouver ensemble la solution et la déployer. « Les résultats sont spectaculaires », soutient Denis Metzger qui ambitionne de mobiliser 1 milliard d’euro par an autour du dispositif (voir son intervention en vidéo par là).

Et si pour réussir à être « plus fort ensemble », on accordait aussi un peu de place à l’art de l’improvisation dans le fundraising ? Savoir saisir l’opportunité. Oser raviver la créativité. Pour refermer le séminaire sur une note « sérieusement drôle », la troupe de la Belle Boîte s’est justement essayée à l’exercice d’improvisation autour de la vie d’un fundraiser dédié à la sauvegarde des éponges de mers (à revoir ici). Les pérégrinations des équipes de l’ONG « Sponge Care », inventée à la minute, de l’opération de street fundraising au tournage de pub qui dégénère, en passant par la réunion d’absents dédiée au RGPD ou par l’incantatoire « rajeunissement de la base » ont offert en miroir quelques fous rires et une bonne matière à réflexion. En attendant l’année prochaine.

 

L’ensemble des vidéos du séminaire est disponible sur la chaîne YouTube de l’AFF ici.