Deux semaines après la mobilisation sectorielle à laquelle a contribué l'AFF contre la menace d'un "crash philanthropique", où en sont les débats et la mobilisation pour permettre l'émergence d'une culture philanthropique "à la française" ? Revue d'écrits, événements et initiatives.
Il y a deux semaines, l'AFF se mobilisait aux côtés de France générosités, d'ADMICAL, du Mouvement Associatif, du Centre Français des Fonds et Fondations et des Entreprises pour la Cité, afin d'alerter sur la menace d'un "coup de rabot" sur le dispositif fiscal lié au mécénat (voir ici le communiqué). Des annonces sur le sujet sont en effet en préparation du côté de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale. Après deux années 2017 et 2018 déjà difficiles pour le secteur des associations et fondations (suppression des contrats aidés et de la réserve parlementaire, changements fiscaux liés à l'IFI et à l'augmentation de la CSG) et une baisse des dons de 4,2% l'an dernier, ces nouvelles mesures (avec l'évocation d'un abaissement du plafond de déduction de 60% jusqu'à 40% à partir de certains niveaux d'engagement comme le souligne La Croix) risquent de peser lourd sur la capacité d'action des associations et fondations.
C'est un débat récurrent ces dernières années. Débat qui se réduit souvent à concevoir le mécénat et la philanthropie (grande ou petite) comme une simple niche fiscale, sans se préoccuper de mesurer l'impact sociétal de cet engagement. Et notre mobilisation collective n'a pas manqué de susciter son lot d'articles variés. Entre soutien médiatique bienveillant et articles plus mordants, les échos se sont aussi teintés de la résurgence de la polémique "Notre Dame" alors que France Info apportait le 14 juin le chiffre de seulement 9% des promesses de dons versées (soit 80M€ sur les 850M€ promis dans les jours suivant l'incendie de la cathédrale).
Parmi les articles marquants de la quinzaine, l'entretien d'Alain-Dominique Perrin, Président de la Fondation Cartier, au journal Le Monde. Un appel à la prudence et surtout à la concertation (un peu inexistante à date selon lui), bien que le titre de l'article mise surtout sur sa "non hostilité à l'abaissement du plafond". A lire aussi, le débat organisé dans les colonnes de La Croix entre Jean-Jacques Aillagon, père - et ardent défenseur - de la loi sur le mécénat de 2003 qui appelle à des "améliorations avec discernement", et Jean-Michel Tobelem, professeur associé à l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne, et spécialiste de la gestion des institutions culturelles, qui se positionne quant à lui sur des mesures plus drastiques : le mécénat n'étant pour lui qu'un outil d'image de l'entreprise, pas de quoi "lui accorder un avantage fiscal supérieur à 10 ou 20 %". Le débat complet est à lire ici sur le site de La Croix (abonnés uniquement).
Au-delà de sa version médiatique, c'est aussi en plénières que s'est tenu le débat. Le 6 juin, au lendemain de l'envoi de notre communiqué collectif, se tenait en effet l'événement "Philanthro...Quoi ?" (tout un titre) qui réunissait entreprises, mécènes, fondations et associations pour débattre de la question du développement d'une culture de la philanthropie "à la française". En clôture de la matinée, Gabriel Attal, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse (Ministère organisateur de l'événement), a réaffirmé la volonté de "libérer le plus de formes possibles de dons", annonçant par exemple la création d'un label pour les plateformes de crowdfunding dédiées à l'intérêt général ou la mise en place d'actions d'éducation à la générosité (un compte-rendu ici sur le site associations.gouv.fr).
Quelques jours plus tard, le 11 juin, lors de la conférence "Quel paysage associatif aujourd'hui et demain" organisée par le Crédit Coopératif, Gabriel Attal prenait soin de réaffirmer que le mécénat n'était pas une simple "niche fiscale" mais poursuivait en mettant en garde contre la défense par principe d'un statu quo, empêchant d'adresser les dérives existantes. Alors qu'en ouverture du sommet, la chercheuse au Centre d'Economie de la Sorbonne Viviane Tchernog présentait la 3ème édition de son étude Le Paysage Associatif Français – Mesures et Évolutions (co-écrit avec Lionel Prouteau, Éditions Juris Dalloz, Mai 2019).
Elle soulignait à la fois la vitalité du secteur associatif (croissance du nombre d'associations de 2,4% par an depuis la dernière édition en 2012), mais aussi la stagnation de leur poids économique. La question de leurs modèles de financement est apparue en creux : baisse des subventions, stagnation des dons et du mécénat (5% seulement des ressources) et augmentation des recettes d'activités (voir graphique ci-dessous). Dans ce contexte, l'hybridation des modèles vers l'association "entreprise sociale" semble inéluctablement en marche, ont rappelé tant la chercheuse que le secrétaire d'Etat.
Dans ce contexte, comment réaffirmer l'importance de la philanthropie et créer cette fameuse "culture du don" en France ? A l'AFF, nous nous mobilisons déjà sur la prochaine édition de Giving Tuesday, - à laquelle Gabriel Attal a notamment annoncé son soutien - qui se tiendra le 3 décembre prochain, et qui promet de mobiliser l'ensemble des acteurs de la générosité. De son côté, France générosités publiait le 11 juin un guide "La philanthropie, un projet de vie" afin d'accompagner les particuliers dans la construction de leurs démarches. Et en version "quizz", le Don en Confiance invite les (aspirants) donateurs à remplir un test pour savoir quelles organisations correspondent à leurs valeurs. Autant de pierres à l'édifice...
Tous ensemble pour développer la culture du don : vous aussi engagez vous pour Giving Tuesday.
Pour en savoir plus et télécharger la synthèse de l'étude "Le Paysage Associatif Français – Mesures et Évolutions. 3ème édition" menée par Viviane Tchernog, c'est par ici.