L’heure de parler sans détours ?

Il n’est pas question de mâcher les mots. La nouvelle campagne des Petits Frères des Pauvres s’attaque au sujet de la mort solitaire, « conséquence la plus extrême de l’isolement social », contre laquelle l’association lutte. Le nombre de personnes qui décèdent seules, et qui sont souvent retrouvées longtemps après leur mort, est un phénomène peu mesuré. L’association entend alerter sur ce sujet en mettant en avant les « signes » qui peuvent permettre de réaliser plus rapidement un décès (une boîte aux lettres qui déborde, une lumière qui reste perpétuellement allumée, etc.). Plus que collecter, l’association cherche à mobiliser ses communautés avec plusieurs leviers (un spot digital, de la presse et de l’affichage).

L’association dispense ainsi sur un site dédié des conseils sur la conduite à adopter en cas de suspicion de mort solitaire près de chez soi et consulte également ses supporters sur le choix des actions prioritaires à conduire. Parmi les propositions figurent la création d’un observatoire national de la mort solitaire (chargé notamment de fournir des statistiques officielles), la mise en place un formulaire en ligne de signalement, le lancement d’un système d’alerte avec des prestataires de services (électricité, Internet, téléphonie, etc.) ou l’établissement d’une date annuelle d’hommage à la mémoire de toutes les personnes décédées seules chez elles.

Dans un univers médiatique où le verbe est partout de plus en plus outrancier, les associations doivent-elles mieux apprendre à hausser le ton pour émerger, au risque peut-être de déplaire à certains ? Le débat a été tranché clairement par l’association britannique Alzheimer’s Society, comme en témoigne sa Directrice Kate Lee dans le podcast du média Third Sector. A l’issue de la crise du Covid, pendant laquelle l’association s’est résolue à réduire ses effectifs de près de 10% pour stabiliser ses finances, elle a fait le choix de hausser le ton, d’assumer la controverse, avec un très important travail sur sa marque. Au bout du chemin, sa campagne « The long goodbye », lancée il y a près d’un an.

Un difficile film mettant en scène le discours d’un fils relatant comment sa mère est « morte » de nombreuses fois au fil du développement de la démence et de la perte de ses capacités, avant de mourir « pour la dernière fois ». Parce que les patients meurent « encore et encore », l’association promet d’être auprès d’eux et de leurs famille « encore et encore ». Une campagne qui a suscité de nombreuses critiques et de forts débats, y compris en interne avant son lancement. L’association britannique de régulation de la publicité a même été saisie du dossier, bien que concluant que le film n’enfreignait aucune règle. Mais une campagne qui a aussi permis à l’association d’augmenter sa collecte sur l’ensemble des canaux, relate la Directrice à Third Sector qui a – pour sa part – remis à l’association le Prix de la Grande Association de l’année pour cette campagne.

Quand le mécénat australien trinque à la santé du secteur viti-vinicole français

Depuis longtemps, et notamment poussées par la Loi Evin qui limite les possibilités de communication sur l’alcool, bon nombre de grandes maisons de vin françaises sont actives dans le mécénat culturel, artistique ou patrimonial. Des véhicules se développent également pour catalyser le mécénat en faveur du patrimoine et de la culture viticole français, du fonds de dotation de la Cité et Climats des Vins de Bourgogne à la Cité du Vin à Bordeaux. Mais à l’heure où la culture de la vigne se complexifie, le mécénat ne devrait-il pas aussi s’occuper de soutenir la transition agroécologique des viticulteurs ? C’est en tous cas le choix de la maison de vins Penfolds, l’une des plus grande d’Australie, qui annonce étendre son programme de mécénat à la France.

Lancé en 2024 en Australie, étendu aujourd’hui en France, et demain aux USA et au Canada, ce plan de mécénat doté de 1 million de dollars australiens sur 5 ans (soit environ 600.000 euros) fait partie intégrante du programme « Evermore », le plan de développement durable de Penfolds. Son originalité, soutenir à la fois des projets culturels ou sociaux liés aux « communautés viticoles » mais aussi des projets liés à la vinification et à la viticulture « du futur » (innovation au service de la résilience des cultures et modèles, économie circulaire, réduction des impacts). Pour en savoir plus, ou postuler, rendez-vous sur le site de Penfolds.

Legs à la commune de Thiberville : le revers de la médaille ?

L’information avait fait grand bruit début décembre : la petite ville de Thiberville, en Normandie, recevait un legs miraculeux de 11 millions d’euros de la part d’un parisien de 91 ans, décédé sans héritiers, dont le seul lien identifié avec la commune était d’en porter le nom. Un don non fléché et sans conditions qui, après l’incrédulité, avait ouvert de belles perspectives au Maire de la commune, comme l’évoquait à l’époque le Parisien. Sauf que, un mois plus tard, les revers de la médaille commencent à apparaitre. Un journaliste du média local L’Eveil Normand a ainsi assisté au Conseil Municipal qui s’est tenu la semaine dernière à Thiberville. Et à l’heure des comptes, tout n’est peut-être pas si simple qu’il y parait.

Car sa nouvelle réputation de « commune riche » (les 11 millions annoncés du legs représentant 5 fois le budget annuel de la commune), lève des questionnements chez les élus. Les devis pour la réfection de l’école se sont envolés : ils se montaient à 873 000 € en 2018, mais le chiffrage atteint aujourd’hui 2,345 millions d’euros. Un effet de la crise des matériaux ou de l’inflation, ou une tendance à prendre désormais la commune « pour une vache à lait » s’interroge l’adjoint à l’éducation et à la culture. Quant au financement du projet de création d’un terrain de football synthétique, peu de chances de pouvoir compter sur des aides, « nous sommes passés du statut de Petite ville de demain à celui de petite ville riche… et donc peu subventionnable » redoute le Maire. D’autant plus problématique que les 11 millions d’euros mis en avant par la presse, n’ont pas atterri directement en espèces sonnantes et trébuchantes dans les caisses de la commune, puisqu’ils sont essentiellement immobilisés dans placements financiers et des appartements parisiens.

Depuis quelques années les annonces de legs aux communes se multiplient. Cette semaine encore, la ville d’Escoville a reçu 2 millions d’euros pour la réfection de son église de la part d’une ancienne habitante, et celle de Sillé-Le-Guillaume a touché 600.000 euros pour l’entretien de son château de la part d’un couple qui y était tombé amoureux… Mais l’expérience de Thiberville interroge sur ces legs un peu « lubies », à la fois merveilleux et potentiellement redoutables. Et il incite à parler plus clairement aux potentiels testateurs des conditions pour faire des legs plus éclairés, mieux préparés, qui puissent permettre aux collectivités de ne recevoir que le meilleur côté de la médaille.

Raise Sherpas : rapprocher startups et associations

RAISE Sherpas, le fonds de dotation du groupe d’investissement à impact RAISE, annonce le lancement de RAISE Sherpas Associations. Cet « accélérateur philanthropique » a pour but de créer des ponts entre le monde associatif, cherchant à démultiplier ses impacts sociétaux, et le monde de la tech « de plus en plus enclin à s’engager dans des projets porteurs de sens et d’utilité sociale », note le communiqué de RAISE. Pourtant, le potentiel de synergies entre les deux univers resterait sous-exploité, selon une étude menée par RAISE auprès d’environ 200 décideurs pour chacun des deux univers. En effet, alors que les startups pourraient apporter des solutions aux associations sur leurs besoins de digitalisation ou d’innovation), elles ne constituent que 13 % des entreprises collaborant avec des associations.

Fundraisers : changer d’échelle pour changer le monde !

Il y a des semaines où l’actualité pèse. Où l’on se demande si sa cause peut encore changer le monde, si cela sert encore à quelque chose de collecter… ou de donner. Le dernier numéro d’Alliance, magazine européens des fondations, s’interroge ainsi avec 10 grands dirigeants de fondations sur le rôle de la philanthropie dans ce monde en polycrise. Et de leurs réponses, des voies émergent pour rester motivé avec un mot d’ordre : changer d’échelle. La réduire d’abord avec plus de proximité, collecter auprès des communautés locales et les amener à co-identifier les projets à financer, les rendre co-responsables de leur succès.

Agrandir l’échelle aussi, être plus ambitieux, ce qui ne passe pas forcément par devenir « plus gros » mais par mieux coopérer avec d’autres acteurs. L’allonger enfin, en présentant des plans clairs à moyen et long terme, pour trouver des financements non affectés qui permettent de se développer dans le temps. Bonne nouvelle, au cœur de cette échelle, se trouvent les fundraisers. Des professionnels qui, rappelle dans les Chronicles of Philanthropy Jason Lewis, créateur de l’agence Responsive Fundraising, ont en plus le pouvoir de combler les espaces entre les marches de l’échelle, de rassembler les points de vue et les énergies. A l’heure où les points de vue se rétrécissent, pas question pour eux, souligne Jason Lewis, d’entrer dans une logique quasi sectaires pour trouver des donateurs quasi parfaitement alignés avec toutes leurs valeurs. Leur mission est de créer des conversations, même si elles sont parfois inconfortables, et de construire des « ponts contre la polarisation ». S’envisager comme un rassembleur, voilà de quoi se mettre du baume au cœur.