#Innovation : Pour être en bonne santé, donner...[Fundraizine n°72]
Société .
Publié le 16 août 2023
Par Frédéric Therin
Les chercheurs sont aujourd’hui capables de prouver que l’altruisme nous fait du bien. La générosité aurait un impact positif sur notre santé et développerait nos processus cognitifs. A bon entendeur...
Vous vous sentez patraque ? Vous souhaitez prendre soin de votre santé et éviter d’éventuels pépins physiques ? Rien de plus simple : donnez ! Ce n’est pas l’Association Française des Fundraisers qui vous le dit mais une neuropsychologue et directrice de recherche au CNRS. Rien de moins...
Dans un entretien accordé à Société Générale Private Banking, Sylvie Chokron détaille les effets bénéfiques que la générosité peut avoir sur notre cerveau. Voilà près de vingt ans que les scientifiques tentent de comprendre pourquoi certaines personnes ont tendance à se montrer plus généreuses que d’autres. Pour certains, l'amygdale, une petite structure au centre de notre cerveau, pourrait être impliquée dans nos capacités à reconnaître les émotions des autres et à devenir très empathique. C'est en étudiant le cerveau des enfants psychopathiques, ayant un comportement marqué par une insensibilité aux autres, un contrôle de soi limité et des comportements antisociaux, que le rôle de l'amygdale a été mis en avant. Chez ces derniers, incapables de détecter la peur chez les autres, une bonne partie de cette zone du cerveau était inactive. À l'inverse, une amygdale hyperactive pourrait amener certaines personnes à être particulièrement attentives à la peur et à la souffrance des autres ce qui les pousserait vers un altruisme exacerbé. Les scientifiques ont également constaté que donner de l’argent, du temps ou encore aider autrui libérait de la dopamine dans notre cerveau, de la même façon que lorsque quelque chose nous fait plaisir : rire, écouter de la musique, manger du chocolat… Ce « circuit de la récompense » se déclenche systématiquement, quels que soient la nature ou le coût du don. « Ce circuit s’active encore plus lorsqu’on donne que lorsqu’on reçoit, précise Sylvie Chokron. Les êtres humains sont donc programmés pour éprouver davantage de plaisir en donnant qu’en recevant. »
La science est aussi désormais capable de prouver que faire du bien nous fait du bien. Sur le plan physiologique, l’altruisme agit sur le système cardio-vasculaire, la longévité et le système immunitaire.
Les effets sont également bénéfiques au niveau cognitif, avec un impact sur l’attention, le raisonnement, la capacité à résoudre des problèmes ou encore la créativité et la mémoire. Enfin, d’un point de vue psychologique, l’altruisme entraîne une amélioration de l’humeur et des sentiments positifs. Les chercheurs ont ainsi constaté une réduction des comportements à risque et des tendances suicidaires chez les adolescents engagés dans des actions altruistes.
Notre altruisme aurait toutefois tendance à s’estomper au fil des ans. Naître généreux est une chose mais le rester en est une autre. Notre souci désintéressé du bien d’autrui commencerait à disparaître dès l’école primaire. « Les bébés préfèrent, dès 3 mois, regarder des personnages qui s’aident plutôt que des personnages qui se chamaillent, note Sylvie Chokron. Très tôt, il existe un comportement naturel d’aide chez les bébés, sans aucune attente de récompense. Ainsi, à 20 mois, un enfant s’arrêtera même d’aider quelqu’un s’il reçoit une récompense, déconcerté par le fait que sa générosité spontanée mérite un cadeau ! Chez les jeunes enfants, l’aide est donc tout à fait naturelle, spontanée et purement altruiste. La récompense de l’enfant est sans doute constituée par la simple activation du « circuit de la récompense » dans son cerveau et le regard valorisant qu’il perçoit des adultes. Entre 2 et 6 ans, l’enfant imite les comportements d’aide au sein de la famille puis vers 9 ans ce comportement d’aide décline pour être au plus bas entre 13 et 15 ans avant d’être à nouveau dynamisé chez les jeunes adultes. »
Pour entretenir notre tendance naturelle de générosité, des chercheurs ont développé des programmes d’éducation à l’altruisme dans des établissements scolaires. Des jeux de rôle et des mises en situation permettraient notamment d’augmenter les comportements altruistes.
Notre générosité n’est en effet pas uniquement déterminée par des facteurs cérébraux ou biologiques. Etre entouré de personnes charitables, ayant l’habitude de donner, de faire l’aumône ou d’aider les autres, augmenterait ainsi la possibilité d’être altruiste, selon une équipe de recherche de l’Université de Zurich dirigée par le professeur Ernsr Fehr. Vivre au milieu d’égoïstes qui ne pensent qu’à eux et ne donnent rien aux autres, réduirait notre envie de soutenir nos prochains.
Les chercheurs tentent aujourd’hui de mieux comprendre les éléments qui favoriseraient les comportements prosociaux. Ils se demandent notamment si le développement de l’altruisme pourrait accroître les processus cognitifs. Les perspectives de ces études sont très enthousiasmantes car elles pourraient offrir, par exemple, des solutions pour aider des enfants en difficulté d’apprentissage.
L’altruisme nous maintiendrait ainsi en bonne santé et nous aiderait à développer notre capacité à assimiler et à traiter les données qui nous parviennent de différentes manières (perception, expérience, croyances...) afin de les transformer en connaissances. Les fundraisers devraient mettre en avant ces arguments lors de leurs prochaines campagnes de collecte...
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