Quels leviers pour engager une population bénévole en mutation ?

Plus jeunes, engagés assez ponctuels mais fidèles, plus éduqués, plus urbains… voilà en résumé les mutations des profils des bénévoles français selon la 6ème édition du Baromètre du Bénévolat tout juste publiée par France Bénévolat, et réalisé en partenariat avec l’IFOP et avec le soutien du Crédit Mutuel. Avec une édition tous les trois ans depuis 2010, ce baromètre confirme en effet d’abord une tendance longue : l’érosion importante de l’engagement associatif bénévole des seniors, amorcée avant, mais accélérée par la pandémie de Covid.

Dans les grandes masses, le taux français bénévoles en association n’est qu’en légère baisse depuis une dizaine d’années : 24 ou 25% en 2013, 2016 et 2019, puis 20% en 2022 en fin de crise Covid, et 21 % en 2025. Mais chez les plus de 65 ans, la baisse est importante et continue, le taux de bénévolat associatif passant de 38% en 2010 à 24% aujourd’hui. Chez les 50 à 64 ans, il s’érode de 26% à 18% en 15 ans. Après quelques années de croissance, depuis 2019 le taux de bénévolat associatif des 35-49 ans recule également pour s’établir aujourd’hui à son niveau de 2010, soit 18%.  En revanche, la progression du bénévolat chez les 15-34 ans se confirme, avec une augmentation à 23 % du taux d’engagement bénévole associatif pour cette classe d’âge contre 16 % en 2010.

Autre tendance longue, et corolaire probable du recul de l’engagement des plus âgés : l’évolution d’un bénévolat dit « dense » (chaque semaine, de quelques heures à un ou plusieurs jours) à un bénévolat plus ponctuel. La part des personnes s’engageant plusieurs heures par semaine tout au long de l’année chute ainsi de 37% en 2010 à 28% en 2016 et 24% en 2025. A l’inverse, la part de ceux s’engageant bénévolement très ponctuellement (quelques heures ou jours par an, à l’occasion d’un événement), passe de 20% à 28% en quinze ans. Quant à ceux s’engageant tout au long de l’année, mais seulement quelques heures par mois, ils étaient 25% en 2010, ils sont désormais les plus nombreux : 34% en 2025. Avec une bonne nouvelle, même s’il est assez ponctuel, l’engagement est fidèle au profit de l’association choisie.

A noter également, des écarts marqués entre les personnes les plus diplômées (26 % des diplômés du supérieur participent à une activité bénévole en association, contre seulement 12 % des détenteurs du CAP ou sans diplôme, et 19 % des bacheliers). L’étude souligne par ailleurs une érosion plus forte – depuis la pandémie – du bénévolat dans les territoires ruraux, sur lesquels l’étude fait un zoom.

Principale raison évoquée, notamment par les plus âgés, pour ne pas s’engager ou avoir arrêté de le faire : le manque de temps. Même si, note France Bénévolat, entrent certainement en compte pour les plus âgés « d’autres facteurs sociétaux : départ à la retraite plus tardif, génération sandwich* ». Mais les associations doivent aussi s’interroger sur leur offre de bénévolat note le baromètre. En effet, 45% de ceux qui ont arrêté le bénévolat invoquent des motifs liés aux associations : déception sur l’organisation, organisation trop hiérarchique, manque de clarté sur les tâches à effectuer ou attentes trop fortes vis à vis d’eux.  

* Génération dite « sandwich » car devant s’occuper à la fois de ses enfants et de ses parents.

La Fondation Gates se donne 20 ans pour tout dépenser

Bill Gates, 69 ans, fondateur de Microsoft a annoncé le 8 mai dernier qu’il accélérait son plan de donation de l’essentiel de sa fortune (99%), ainsi que des futurs bénéfices de ses entreprises, à la Fondation Gates au cours des 20 prochaines années. Et qu’il décidait surtout d’accélérer les dépenses de cette fondation. L’objectif est d’engager 200 milliards de dollars – le montant le plus élevé jamais distribué par une fondation privée – avant de fermer cette fondation en 2045. Vingt-ans pour tout donner et un tournant majeur dans la stratégie de l’organisation, explique-t-il dans la note publiée sur son site et surtitrée « le dernier chapitre ».

Depuis sa création, en 2000, la Fondation Gates a fait couler beaucoup d’encre. Controversée, critiquée, autant que louée pour sa puissance, elle a déjà engagé plus de 100 milliards de dollars, notamment pour lutter contre les grandes pandémies de Sida, paludisme ou tuberculose. Avec le Giving Pledge, lancé en 2010 par Bill Gates et Warren Buffet (contributeur majeur à la fondation) et engageant les ultra-riches à donner la majeure partie de leur fortune de préférence de leur vivant, la Fondation avait déjà connu un tournant d’ambition. Mais, rappelle Bill Gates, l’objectif défini avec son épouse était que la structure philanthropique puisse leur survive de deux décennies.

Depuis quelques années, face au constat qu’il y « trop de problèmes urgents à résoudre pour conserver des ressources qui pourraient être utilisées pour aider les gens », écrit Bill Gates, il a commencé à repenser la stratégie de la Fondation et cette deadline de 20 ans après sa mort. Une réflexion qui s’est accélérée « depuis quelques mois », en concertation avec le board de la fondation. Coïncidence ou pas avec les mesures prises par l’administration Trump sur le démantèlement de l’aide américaine au développement ? Bill Gates ne le précise pas.

Avec cette annonce, la Fondation Gates rejoint ainsi les rangs de fondations « spending out », destinées à tout dépenser. Un mouvement auquel s’était déjà rallié Warren Buffet l’été dernier. Du haut de ses 93 ans, l’investisseur-philanthrope qui a pris sa retraite la semaine dernière, avait déjà annoncé qu’à sa mort, l’ensemble de sa fortune estimée à 144 milliards de dollars irait à un fonds philanthropique géré par ses enfants et qu’ils auraient alors 10 ans pour tout dépenser.

UK – Financeurs et collecteurs s’allient dans le cadre du Green Match Fund

Campagne collective s’il est, au Royaume-Uni, le « Green Match Fund » a permis de mobiliser cette fin avril près de 8,1 millions de livres sterling, au profit de plus de 300 associations environnementales, rapporte Fundraising.co.uk. Construite selon un système bien ficelé d’abondement des dons des particuliers (36.000 contributeurs cette année) par des partenaires philanthropiques, cette caisse de résonance de la cause environnementale lancée en 2021 a ainsi permis de collecter plus de 23 millions de livres depuis sa création, avec une croissance de la collecte de plus de 50% par an.

Comment ça marche ? L’opération est organisée par l’association Big Give, spécialiste du « matching fund » (dons abondés par des entreprises, philanthropes, fondations…). Créée en 2007 par Sir Alec Reed, fondateur d’une des plus grandes sociétés de recrutement britanniques, la plateforme est au départ un site de mise en relation de donateurs et associations, assez inspirée des plateformes de recrutement du groupe Reed. Alors que la première année, la plateforme végète un peu, ne permet de collecter que quelques milliers de livres, Sir Alec Reed décide de booster le concept en proposant de doubler les dons à hauteur de 1 million de livres. Ils seront utilisés en 45 minutes : Big Give a trouvé sa voie et multiplie depuis les partenaires philanthropiques ainsi que les campagnes d’ampleur.

Pour le Green Match Fund, qui sera l’an prochain rebaptisé Earth Raise avec des ambitions toujours plus grandes, le partenariat noué est avec le réseau de mécènes Environmental Funders Network. A eux d’assurer la sélection des associations incluses dans la campagne et l’abondement, aux associations de mobiliser leurs donateurs avec deux schémas possibles. Première option, le modèle 1:1 pour les associations visant jusqu’à 10.000£ de dons du grand public, doublés par les partenaires. Seconde option, le modèle « Pledge » pour les structures visant jusqu’à 100.000£ de dons du grand public, abondés jusqu’à la moitié par les partenaires Big Give, mais aussi par les propres mécènes de l’association.

Et aussi dans l’actualité de la quinzaine

  • Le fundraising à la Une ! Les médias grand public se penchent sur les difficultés financières des associations face au démantèlement de l’USAID ou des baisses de subventions, et analysent les recours en collecte en particulier auprès des grands donateurs. A lire sur le sujet cet article de La Croix et à écouter, le journal de 7h30 du 9 mai dernier sur France Inter qui ont notamment donné la parole à l’AFF.
  • 240 pages pour réussir… Sophie Rieunier, enseignant-chercheur en sciences de gestion à l’université Gustave Eiffel, qui étudie depuis 20 ans les comportements de dons et contribue à Fundraizine, le magazine de l’AFF, publie chez Dunod « Réussir sa collecte de dons. Comportement de dons et Fundraising ». Un ouvrage qui s’appuie sur des recherches académiques, des études professionnelles, des cas pratiques et des entretiens d’experts pour mieux comprendre à la fois les moteurs de la générosité et les leviers pour la solliciter.
  • L’art du financement participatif. C’est avec l’accroche maligne « Parce que les conditions de vie de nos étudiants ont besoin d’être restaurées » et des visuels d’élèves en forme de tableaux de maitres abimés que l’École du Louvre se lance dans une campagne de financement participatif sur Ulule. Objectif au moins 50.000 euros pour financer des bourses de vie à destination des élèves en précarité. En savoir plus sur le site de Beaux Arts.
  • Le meilleur et le moins meilleur. Retour sur le legs extraordinaire de plus de 38 millions d’euros fait en 2008 au village de Rouez (800 habitants !). L’ancien Maire raconte l’épopée dans un livre tout juste sorti : l’aubaine, les contreparties attendues par le testateur, les embarras administratifs… et Ouest France vous résume tout.