Face à des français plus inquiets : quelle résistance de la générosité ?

Les dernières années chahutées n’ont pas fait plonger la générosité. Mais la 6ème édition du Baromètre annuel de la solidarité de la Fondation Apprentis d’Auteuil s’interroge : jusqu’où les dons des Français résisteront-ils à l’inquiétude qui monte et au contexte anxiogène ? Réalisé avec Ipsos, ce baromètre sonde chaque année les Français, et notamment les hauts revenus*, sur leurs dons passés et leurs intentions de dons futures. Sa dernière édition sortie le 29 avril, souligne quelques fléchissements, après une année 2023 particulièrement généreuse, mais une générosité encore au rendez-vous malgré des inquiétudes pour l’avenir.

Sans réelle surprise, le Baromètre commence par souligner la montée de l’inquiétude chez les Français : inquiets pour l’avenir en général (84%, +4 points vs 2024), mais aussi pour leur avenir personnel (64 %, +5 points) et celui de leurs proches (73%, +5 points). Un sentiment d’inquiétude qui progresse aussi chez les plus hauts revenus, de plus en plus soucieux pour leur avenir (58 %, + 5 points) ou celui de leurs proches (44 %, + 7 points).

Malgré tout, le nombre global de donateurs se maintient (52% des français sondés affirment avoir fait au moins un don en 2024 soit 1 point de plus qu’en 2023). Il continue même de progresser chez les hauts revenus avec 84 % de donateurs en 2024 (+3pts en 1 ans et +7 points en 5 ans).  A noter toutefois que si la proportion effective de donateurs sur 2024 est moins élevée que le laissait entendre les intentions manifestées l’an dernier (-3 points), elle se révèle légèrement plus importante pour les hauts revenus (+1 point).

En revanche, après une année 2023 particulièrement généreuse, le montant moyen des dons déclarés baisse en 2024 : légèrement pour le grand public (364€ vs 371€), et plus fortement chez les hauts revenus (2322€ vs 2686€, soit un retour au niveau de 2022). Une évolution à mettre au regard de l’inflation : sur 5 ans, les montants des dons moyens progressent moins vite. S’ils avaient suivi la courbe de l’inflation depuis 2019, leur don moyen des hauts revenus serait de 160 euros plus élevé et celui des français en général de 20 euros plus important.

Dans ce contexte, quelle générosité pour 2025 ? Sondés fin février-début mars, 83% des français se disaient préoccupés par l’évolution de leur pouvoir d’achat, 82% par celle de la fiscalité et plus de la moitié des (57%) redoutaient une évolution à la baisse de leur pouvoir d’achat. En cas de dégradation du contexte (international, fiscal, pouvoir d’achat…), 42 % des donateurs inquiets sur au moins un de ces aspects reconnaissent qu’ils auraient tendance à réduire leurs dons pour préserver leur propre sécurité financière et celles de leurs proches. Une proportion qui se monte à 33% pour les hauts revenus. A l’inverse, seuls 15% donneraient davantage pour que les associations puissent y faire face (30% chez les hauts revenus).

Enquête réalisée par Ipsos pour la Fondation Apprentis d’Auteuil, entre le 26 février et le 12 mars 2025 sur un panel de 1000 personnes représentatives de la population française de 18 ans et plus ainsi qu’auprès d’un panel 500 personnes dont le foyer a un revenu net annuel est supérieur à 120.000 euros.

« Caring too much » : un rapport décrypte les limites du surinvestissement des fundraisers dans leurs métiers

Quel impact du métier de fundraiser sur le bien-être et la santé mentale de ceux qui le pratiquent ? Le think-tank international en Fundraising Rogare publie un rapport qui analyse en profondeur les réponses à ces questions. S’appuyant sur une série d’entretiens avec des fundraisers irlandais, le rapport identifie ainsi 4 facteurs principaux contribuant au stress et au burnout des fundraisers, s’appuyant notamment sur de véritables « traumatismes cachés ».

Le rapport « Caring too much : le dilemme de l’épuisement professionnel auquel sont confrontés les fundraisers et les conséquences émotionnelles d’une carrière dans le fundraising », est le fruit du travail de Michelle Reynolds, à la fois fundraiser, dirigeante associative, coach de cadres et psychothérapeute. Selon elle, les fundraisers vivent en effet souvent, le même type de traumatisme que les travailleurs caritatifs de première ligne, même s’ils sont des « traumatismes secondaires », liés par exemple à la confrontation à des photographies, des vidéos et des récits du terrain.

Mais les facteurs de stress ne se cantonnent pas à cette confrontation indirecte au terrain, qui concerne plus particulièrement les fundraisers du social ou de l’humanitaire. En effet, leurs difficultés émotionnelles s’appuieraient selon le rapport sur quatre grands leviers :

  • La forte empathie des fundraisers, un trait de caractère souvent identifié comme nécessaire être un « bon » fundraiser, et un trait largement documenté par la recherche académique, qui ouvre la porte à la fois aux plus belles réussites des fundraisers mais les rend également vulnérables et peut mener à l’épuisement émotionnel.
  • La tendance à minimiser leur problèmes de stress ou de santé mentale, que les fundraisers considèrent notamment comme mineurs par rapport à ceux vécus par les bénéficiaires ou le personnel de terrain. Pratiquant un métier de lien et de relations, les fundraisers ont ainsi tendance à faire passer les besoins des autres avant les leurs : ceux des donateurs et bénéficiaires, mais aussi ceux de leurs collègues ou de leur organisation en général.
  • La pression du « toujours plus » avec peu, et la grande difficulté à refuser la charge de travail, y compris hors de leur périmètre de poste. Une pression que – sans compter les possibles cas de management maltraitant qui n’apparaissent pas dans ce rapport – les fundraisers s’imposent à eux-mêmes. Et une pression qui s’ajoute au stress organisationnel, dans un contexte budgétaire et RH où il leur est souvent difficile d’obtenir des ressources ou du soutien supplémentaire.
  • Une forme d’idéalisation selon laquelle les collecteurs de fonds peuvent – et devraient – être en mesure de « réaliser l’impossible ». Le fruit de la pression auto-imposée, mais aussi, expliquent-il entre les lignes, d’attentes excessives implicites, presque normalisées dans la culture organisationnelle et les discours des dirigeants. Un poids de l’idéal d’autant plus lourd qu’ils font simultanément l’expérience d’une forme d’isolement et d’invisibilité, se sentant souvent peu reconnus, entendus ou soutenus au sein de leur organisation et par celle-ci.

Si le think-tank Rogare n’est pas commanditaire ou garant de cette recherche, son Président, Damian Chapman, a choisi de s’en faire la caisse de résonnance pour appeler le secteur à but non lucratif à mettre en place des mêmes garde-fous pour les collecteurs de fonds et inciter les OSBL à trouver des solutions à ce qu’il assume comme « une crise de l’épuisement professionnel » des fundraisers.

Le rapport « Caring too much  : le dilemme de l’épuisement professionnel auquel sont confrontés les fundraisers et les conséquences émotionnelles d’une carrière dans le fundraising » est téléchargeable gratuitement sur le site de Rogare.

Pour les motards, c’est la rose l’important !

Alors que les fundraisers cherchent désormais des communautés à activer, se tournant vers le virtuel, gamers et streamers en tête, il est des communautés bien physiques qui font leur bonhomme de chemin de collecteurs. C’est le cas des motards qui, depuis 1998, se mobilisent dans le cadre de l’opération annuelle de l’association « Une rose un espoir » au profit de la Ligue contre le cancer. Une opération qui a permis de collecter l’an dernier plus de 2,4 millions d’euros au profit de l’association.

Née en Moselle à l’initiative d’un motard lui-même confronté au cancer chez ses proches, la première opération « Une rose un espoir » rassemble 45 motards et permet de collecter 55.000 francs. Depuis, chaque dernier weekend d’avril, des cortèges de motards sillonnent la France, principalement dans le Grand Est, même si des comités locaux existent dans plusieurs région. De village et village, s’annonçant à grand renfort de klaxons, ils vont de porte en porte les bras chargés de rose vendue 2 euros au profit de la Ligue contre le cancer.

Un mouvement qui grandit inexorablement : de 45 motards en 1998, ils sont 3500 en 2016. L’association s’est aussi structurée entre tête de réseau et comités locaux. Au total, depuis sa création, ce sont ainsi près de 20 millions d’euros qui ont été collectés, kilomètre après kilomètre, rose après rose. Preuve de l’engagement au long cours de la communauté, qui mène aussi en septembre dans le cadre de l’association « Les motards ont du cœur », née en 1993 en Ille et Vilaine, une collecte au profit des Restos du cœur du département.

Et aussi dans l’actualité de la semaine

  • C’est pas le cœur… Les origines de la générosité, un secret que de nombre de chercheurs tentent de percer. Dernière en date à apporter son explication à la question « pourquoi l’humain est-il généreux ? » : une équipe internationale de chercheurs en neuroscience démontre qu’une amygdale cérébrale contribuerait largement à susciter l’envie de donner. En savoir plus sur le site de La Dépêche.
  • Re-givrés pour la bonne cause. En 2014, le Ice Bucket Challenge avait été LA première grande opération de collecte virale, démontrant le pouvoir des réseaux sociaux en matière de fundraising avec 100M$ collectés pour la lutte contre la maladie de Charcot. Onze ans après, l’opération revient : cette fois, c’est pour sensibiliser à la santé mentale qu’il faudra se verser un seau de glaçons sur la tête rapporte le site canadien TVA Nouvelles.
  • Première campagne. La Fondation pour le Logement (ex Fondation Abbé Pierre) dévoile sa première campagne sous son nouveau nom. Entre film et visuels, elle mise sur un ressort émotionnel fort pour expliquer comment retrouver un logement rend un toit, mais aussi « tout ce que la rue vous a pris ». Pour la jeune mère à l’écran, c’est ainsi la possibilité de retrouver ses enfants. A découvrir par exemple sur le site d’Influencia.
  • Donateurs ou abonnés ? La revue des médias de l’INA fait le point sur la montée en puissance des dons dans les modèles économiques des médias, se penchant en profondeur sur 4 médias dont 60 à 90% des ressources proviennent de la générosité.