Le site Chronicles of Philanthropy publie un article passionnant sur les comportements de don des très grands donateurs américains dans le contexte chahuté du pays. Entre effondrement des soutiens fédéraux, augmentation des besoins, et hyper-politisation de tout acte philanthropique, comment décident-ils aujourd’hui de donner (ou pas) ?

Sans ambages, l’article assume : « si les donateurs ultra-riches semblent avoir été paralysés pendant une grande partie de l’année, c’est parce qu’ils l’ont été » ! Dans les mois qui ont suivi l’élection de Donald Trump, alors que les annonces de la nouvelle administration s’enchainaient à un rythme vertigineux, les giga-donateurs américains ont en effet commencé par considérer qu’il était urgent de mettre leur philanthropie en pause pour comprendre le contexte et reparamétrer leurs soutiens. À qui donner quand les soutiens publics s’effondrent ? Quand les causes sont attaquées les unes après les autres (financièrement, voire politiquement) ? Quand tous les besoins deviennent prioritaires ? Des questions que les philanthropes français pourraient bien se poser un jour…

Mais après la phase d’hébétude, souligne une conseillère en philanthropie, « nous constatons une recrudescence des discussions sur l’augmentation des dons et une réévaluation des budgets. » Avec des dilemmes difficiles : doit-on soutenir une association ultra-dépendante aux soutiens publics qui a perdu ses budgets, au risque que le don ne suffise pas à la sauver, ou soutenir les associations plus viables ? Pour peser dans la balance, les fundraisers ne doivent pas avoir peur de la transparence, soutient également la conseillère en philanthropie : être clairs sur les besoins et perspectives de l’association, ne pas redouter de demander un grand don pour continuer à fonctionner… Un conseil qui s’applique à ses philanthropes loyaux, mais aussi à des prospects !

Car dans le re-paramétrage de leur philanthropie, les très grands donateurs peuvent se tourner vers des causes qu’ils n’avaient jamais soutenues, vers des fonds de soutien d’urgence… parfois anonymement, pour éviter les représailles politiques (de l’administration actuelle ou par crainte de celles d’une future administration opposée selon les orientations des donateurs). Selon l’article, près de 10% des donateurs conseillés auraient commencé à faire des dons sans révéler leur identité, peu commun aux USA. Autre tendance à l’œuvre : donner plus, tout de suite, avec moins de restrictions. Les dons non affectés se développent, certains donnant immédiatement l’intégralité d’une dotation initialement pluriannuelle. La question de l’amplification de l’impact du don financier progresse enfin : développement des soutiens techniques ou des alliances de donateurs… L’occasion pour les fundraisers, conseille l’article, de s’appuyer plus que jamais sur leurs soutiens historiques, en logique profonde de partenariat.

L’article de Chronicles of Philanthropy “Ce que les fundraisers devraient savoir de ce que pensent les grands donateurs actuellement » a été rédigé par Maria Di Mento. Elle dirige le rapport Philanthropy 50 qui monitore chaque année les comportements de don des plus grands donateurs américains.